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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 28

Le mardi 9 décembre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 9 décembre 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je voudrais vous présenter les deux pages qui seront parmi nous cette semaine dans le cadre du programme d'échange de pages avec la Chambre des communes.

Il s'agit d'Anne McCulluch, de Calgary, en Alberta, qui poursuit des études en journalisme à l'Université Carleton.

[Français]

M. Kirk Nangreaves, de Saint-Hubert, Québec, étudie à l'Université d'Ottawa à la faculté des arts.

[Traduction]

Il se spécialise en psychologie.

Au nom de tous les sénateurs et du Sénat, je vous souhaite la bienvenue.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

Réponse à un article de journal sur les conditions de résidence applicables à un sénateur

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au nom d'un collègue qui ne peut être présent, le sénateur Paul Lucier. Le sénateur Lucier m'a fait parvenir une télécopie qu'il m'a prié de transmettre à la Chambre. Pour votre gouverne, il m'a également demandé de répondre à certaines déclarations qui ont été faites récemment dans les médias.

Il écrit ceci:

J'aimerais signaler quelques faits à ce propos:

1. Le Citizen a dit: «Paul Lucier a dit que le personnel juridique du Sénat a approuvé son changement de résidence il y a cinq ans quand il a déménagé à Vancouver.»

Le sénateur Lucier dit ceci:

Ce n'est pas vrai. Je n'en ai pas parlé au personnel juridique il y a cinq ans. Je n'ai jamais eu de problème en ce qui concerne mon lieu de résidence.

 

2. Le Citizen a dit: «Il a dit que le personnel juridique du Sénat lui a dit qu'il pourrait conserver son siège tant qu'il aurait une propriété au Yukon.»
Le sénateur Lucier répond:

Je le répète, je n'ai pas parlé au personnel juridique et on ne m'a donc jamais tenu de tels propos. Ce n'est tout simplement pas vrai.

3. En ce qui concerne mon assiduité, 21 p. 100 (19 séances sur 87) et la déclaration suivante: «Il dit [...]

Le sénateur Lucier a souligné le mot «dit».

[...] qu'il avait un cancer des os et devait séjourner dans une ville de la Colombie-Britannique pour les traitements».

Le sénateur Lucier répond:

Je me demande si Jack Aubry doute du fait que j'aie un cancer. Je serais heureux de lui accorder la permission de demander à mon médecin si je souffre d'un cancer depuis 10 ans. 

4. J'aimerais que ces points soient clarifiés, mais pas dans les médias. J'aimerais que ceci soit mentionné au caucus d'aujourd'hui et à la Chambre, si vous le jugez bon.

5. Je remercie les collègues qui m'ont exprimé leur soutien à ce sujet. Merci à tous.

L'histoire du vote au Canada

Le lancement du livre par le gouverneur général

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, hier, le très honorable Roméo Leblanc, Gouverneur général du Canada, a lancé un nouveau livre important, L'histoire du vote au Canada, qui fait le récit de l'évolution du droit de vote au cours des 250 dernières années. Il commence à l'époque des toutes premières assemblées législatives élues dans ce qui constitue maintenant le Canada et se rend jusqu'aux dernières élections fédérales. Il retrace les changements dans les conditions d'admissibilité au vote, les procédés électoraux et les pratiques de scrutin, ainsi que le taux de participation aux scrutins depuis la Confédération. Il examine, dans le contexte social de l'époque, le droit de vote accordé aux personnes qui en étaient exclues par la loi, comme les femmes, les autochtones, ainsi que les minorités religieuses et raciales.

Même si la plupart des Canadiens adultes étaient admissibles à voter dès 1920, un dernier chapitre examine des moyens de rendre le vote accessible à tous, y compris aux habitants de tous les lieux géographiques et aux personnes ayant un handicap physique.

L'histoire du vote au Canada se veut une source de renseignements et un rappel pour les Canadiens de l'importance du droit de vote. Cet objectif est conforme au mandat d'Élections Canada de 1993, qui vise à sensibiliser les électeurs au droit démocratique de vote.

Cet ouvrage intéressera les historiens, les politologues, les enseignants et élèves des universités et des écoles secondaires, mais on espère qu'il sera également lu par ceux qui ont peut-être de la difficulté à exercer leur droit de vote.

En tant que parlementaires, honorables sénateurs, nous avons pour rôle d'aider à faire la promotion de ce livre et de sensibiliser nos concitoyens à leurs droits en leur qualité d'électeurs.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent

Rapport du comité

L'honorable Ron Ghitter, président du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 9 décembre 1997

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

 

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-7, Loi portant création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et modifiant une loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 2 décembre 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
RONALD D. GHITTER

(1410)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Butts, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de Loi de 1997 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales

Rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le mardi 9 décembre 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

 

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-10, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la Suède, une convention conclue entre le Canada et la République de Lituanie, une convention conclue entre le Canada et le République d'Islande et une convention conclue entre le Canada et le Royaume du Danemark, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, et modifiant la Loi de 1986 sur la Convention Canada-Pays-Bas en matière d'impôts sur le revenu et la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, a, conformément à l'ordre de renvoi du 8 décembre 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture

Dépôt du rapport du comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui demande que le comité soit autorisé à engager des dépenses spéciales, conformément aux Directives régissant le financement des comités du Sénat.

Je demande que ce rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe «A», p. 313, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Gustafson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts

Dépôt du rapport du comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, ainsi qu'une demande pour que le comité soit autorisé à engager des dépenses spéciales, conformément aux Directives régissant le financement des comités du Sénat.

Je demande que ce rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe «B», p. 321, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Gustafson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Régie interne, budgets et administration

Présentation du septième rapport du comité

L'honorable Bill Rompkey, président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant:

Le mardi 9 décembre 1997

Le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de déposer son

 

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, ayant pris connaissance du registre de présence du sénateur Thompson, recommande la mise en application immédiate des mesures suivantes:

1. Que le droit du sénateur Thompson d'utiliser les ressources du Sénat habituellement mises à sa disposition dans le cadre de ses fonctions parlementaires, notamment les fonds, les biens, les services et les locaux, soit suspendu;

2. Que les allocations accordées au sénateur Thompson pour ses déplacements et ses frais de télécommunication soient suspendues, à l'exception de ses frais de déplacement entre son lieu de résidence en Ontario et le Sénat à Ottawa;
3. Que le sénateur Thompson puisse demander en personne la modification de la présente décision au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ce que le comité est habilité à faire.
Votre comité, en collaboration avec le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, continue d'étudier ce dossier.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
WILLIAM ROMPKEY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement du Sénat, je propose, appuyée par l'honorable sénateur De Bané:

Que lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 10 décembre 1997, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'Assemblée internationale des parlementaires de langue française

la Réunion tenue au Luxembourg-Dépôt du rapport de la section canadienne

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, les rapports de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française ainsi que le rapport financier de la 23e session ordinaire de l'AIPLF et de son bureau, tenue au Luxembourg, du 7 au 10 juillet 1997.

[Traduction]

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 15 demain, le mercredi 10 décembre, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(1420)

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, depuis deux ans environ, il est généralement entendu au Sénat que la séance du mercredi est relativement de brève durée. Voilà pourquoi la séance débute à 13 h 30. Il est généralement entendu que nous tâchons de terminer la séance à la Chambre vers 15 h 30.

Depuis quelques semaines, cependant, nous entendons des requêtes du genre de celle que vient de présenter l'honorable sénateur Stewart. Si la requête portait sur un mardi ou un jeudi, quand nous nous réunissons habituellement à 14 heures et siégeons un peu plus longtemps, il n'y aurait pas de problème, tout bien considéré, à accorder la permission. J'ai cependant quelque difficulté à accorder la permission pour un jour où la séance est censée être brève de toute façon.

J'aimerais que l'honorable président du comité des affaires étrangères nous explique pourquoi il propose sa motion étant donné que la séance du mercredi est de brève durée.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, j'ai deux observations à faire. Tout d'abord, nous espérons obtenir demain une évaluation fort opportune des résultats de la conférence de l'APEC.

Le sénateur Lynch-Staunton: Attention aux jets de gaz poivré.

Le sénateur Stewart: Le deuxième point a trait à la demande de permission de siéger demain à 15 h 15 même si le Sénat siégeait à ce moment-là. Si je pouvais prédire avec certitude que la séance du Sénat serait levée à 15 heures - soit l'hypothèse sur laquelle nous nous appuyons pour faire débuter la séance à 13 h 30 - je ne me donnerais certes pas la peine de présenter cette motion. Cependant, l'expérience nous apprend que, malgré le fait que la séance du mercredi débute à 13 h 30, nous siégeons souvent bien après 15 heures. Il est arrivé une fois que nous ayons fait attendre des témoins plus d'une heure.

Ce n'est pas au président d'un comité qu'il appartient de faire terminer la séance du Sénat à 15 heures, mais aux leaders des deux côtés du Sénat.

Le sénateur Kinsella: Merci, sénateur Stewart.

Il vaut peut-être mieux, dans ces conditions, que je m'adresse au leader adjoint du gouvernement au Sénat. Pour résumer, je dirai que la question est importante pour tous les sénateurs. Le président du comité des affaires étrangères a demandé pour le comité l'autorisation de siéger demain, mercredi, même si la séance du Sénat se prolonge. Le problème, c'est que la séance du mercredi devait être courte, selon ce que tout le monde avait compris, pour que les comités puissent siéger en après-midi.

Le sénateur Stewart a signalé cet après-midi et à d'autres occasions que les comités s'organisent en fonction de cette hypothèse, mais n'arrivent pas à appliquer leurs plans parce que la séance du Sénat se prolonge bien au-delà de 15 heures ou 15 h 30 le mercredi après-midi.

Le sénateur Stewart nous a expliqué que c'était sa principale préoccupation. Il voudrait avoir l'assurance des dirigeants des deux côtés de notre assemblée que, le mercredi, nous nous efforcerons de mieux respecter cette tradition. Pour notre part, nous sommes prêts à faire tous les efforts pour terminer le travail du mercredi après-midi autour de 15 heures ou 15 h 30. Si vous pouvez donner votre accord vous aussi, ce genre de motion deviendra peut-être inutile.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Le sénateur Kinsella: Cela dépend de la réponse.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous devons faire un effort pour que les comités puissent siéger. Ils invitent des témoins qui viennent parfois de l'extérieur de la ville. Nous leur occasionnons des inconvénients si nous ne pouvons pas écouter leur témoignage.

Je dois féliciter les sénateurs de ce côté-ci, qui se sont abstenus à peu près complètement de faire des déclarations le mercredi à moins qu'il ne s'agisse de questions passablement urgentes, comme celle abordée par le sénateur Kenny aujourd'hui. Ils ont essayé de faire leurs interventions le mardi et le jeudi. Les sénateurs d'en face ont tenté de faire la même chose. Grâce à une collaboration semblable, nous pourrons peut-être à l'avenir recourir à des dispositions plus formelles qui donneront des garanties aux présidents de comités.

En l'absence de ces dispositions, je souhaiterais que le sénateur Stewart obtienne la permission d'entendre demain les témoins qui ont été invités.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): La présidence se souviendra que la raison pour laquelle nous siégeons à 13 h 30 le mercredi, c'est pour permettre aux comités de tenir des séances l'après-midi, au plus tard vers 15 h ou 15 h 30. Pour compenser la séance raccourcie du mercredi, nous avions convenu de siéger le lundi soir. Cela a fonctionné pendant un certain temps. Puis, nous avons oublié les séances du lundi, tout en conservant la pratique de siéger plus tôt le mercredi. Par conséquent, le mercredi est devenu une journée normale, où nous travaillons jusqu'à 17 heures ou 18 heures. Cela va à l'encontre du but de faire débuter la séance à 13 h 30.

À moins qu'ils n'aient à traiter d'une question urgente, je ne crois pas qu'il est indiqué pour les comités de siéger en même temps que le Sénat. Je ne dis pas cela pour sauver les apparences, mais parce que le travail effectué au Sénat est souvent tout aussi important que ce qui se passe en comité. Aux divers stades du processus législatif - présentation de projets de loi, deuxième lecture, renvoi aux comités, puis troisième lecture - il arrive souvent que nous faisions plusieurs travaux en même temps. Parfois, il y a même deux, trois ou quatre comités qui siègent en même temps que nous. Cela ne convient pas du tout.

Si le leader adjoint pouvait nous donner l'assurance que désormais, le mercredi - et nous lui offrirons notre collaboration -, nous mettrions fin à la séance du Sénat au plus tard à 15 h 30, à moins d'avoir à traiter d'une question urgente, alors la motion du sénateur Stewart serait recevable. Nous devons toutefois obtenir d'abord cette assurance.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Permettez-moi de rassurer le chef et le chef adjoint de l'opposition que nous ferons l'impossible pour que les séances du Sénat se terminent à temps. Nous avons siégé hier et c'était un lundi. Je signale aux sénateurs que nous siégerons également lundi prochain afin de compléter les travaux en cours avant l'ajournement de Noël.

Le sénateur Kinsella: Dans ce cas-là, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de demander la permission.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Kinsella a dit qu'il n'est pas nécessaire de demander la permission, non pas qu'il refuserait la permission. Il était simplement d'avis qu'il n'était pas nécessaire de la demander.

Son Honneur le Président: Je ne peux pas mettre la motion aux voix si la permission n'est pas accordée.

Le sénateur Lynch-Staunton: La permission est accordée.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

La conduite des travaux-Avis d'interpellation

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, je donne avis:

Que, jeudi prochain, le 11 décembre 1997, j'attirerai l'attention du Sénat sur la manière dont le Sénat conduit ses affaires.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les relations fédérales-provinciales

la Réduction du transfert des paiements à la province de Québec-Demande de précisions

L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, ma question fait suite à l'annonce d'hier au sujet de l'établissement, à 12,5 milliards de dollars, du plancher des paiements de transfert effectués en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. On voudrait nous faire croire que ce montant représente une hausse des paiements consacrés aux soins de santé. Pourtant, les chiffres indiquent autre chose.

Cette année, dans l'exercice financier de 1997-1998, les paiements en espèces versés au Québec en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pour la santé, l'éducation et l'aide sociale s'établiront à trois milliards huit cent cinquante millions de dollars. L'an prochain, ces paiements seront ramenés à trois milliards huit cent quatre millions de dollars. L'année suivante, soit pour l'exercice financier de 1999-2000, ces paiements ne seront plus que de trois milliards sept cent quarante-huit millions de dollars. Ce rajustement à la baisse se poursuivra jusqu'à ce que les paiements en espèces que le gouvernement fédéral verse aux provinces s'établissent à trois milliards cinq cent quarante-six millions de dollars et ce, pour l'exercice financier de 2002-2003.

Pourtant, hier, le gouvernement a affirmé qu'il appliquait un régime de transfert stable. En réalité, les transferts en espèces versés au Québec pour la santé et l'éducation seront réduits de plus de 300 millions de dollars en cinq ans. Honorables sénateurs, je vous rappelle que cela donne suite à une réduction de 700 millions de dollars cette année par rapport à l'an dernier. Le ministre pourrait-il se renseigner et informer le Sénat des raisons expliquant que, malgré un plancher de paiement en espèces fixé à 12,5 milliards de dollars, la part du Québec va diminuer de 307 millions de dollars au cours des cinq prochaines années?

[Traduction]

(1430)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas pouvoir produire les nombres précis pour la province de Québec. Comme on pouvait s'y attendre, les paiements de transfert fédéraux ne sont pas exclus de l'effort fédéral de consolidation financière.

Le gouvernement fédéral a réduit ses propres dépenses plus rapidement, plus sévèrement et plus subtantiellement que les paiements de transfert aux provinces. Il a précisé qu'il profitera de sa plus grande marge de manoeuvre financière pour effectuer des placements stratégiques dans des secteurs prioritaires, et que des mesures ont été prises tôt et directement à cet égard à la faveur des bons résultats financiers du printemps dernier.

C'est ainsi qu'on s'est rapidement engagé à accroître de 11 à 12,5 milliards de dollars le paiement comptant garanti versé chaque année aux provinces et aux territoires dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Les provinces vont recevoir plus de 6 milliards de dollars de plus au cours des cinq prochaines années. Je n'ai pas la ventilation de cette somme par province, mais je me ferai un plaisir de l'obtenir pour mon collègue.

[Français]

Le sénateur Roberge: Est-ce que le ministre pourrait demander en même temps pourquoi, durant la même période, la part des transferts en espèces versés à l'Ontario va augmenter à 173 millions de dollars?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Oui. Pendant que j'y suis, je rappelle au sénateur que, avant même d'établir la balance de ses comptes, le gouvernement fédéral accroît les paiements de transfert aux provinces. En fait, il hausse la somme minimale de 11 à 12,5 milliards de dollars, ce qui constitue le plus important remploi d'argent jamais fait par le gouvernement fédéral.

La réduction des paiements de transfert aux provinces-Les répercussions sur les provinces de l'Atlantique

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, selon les chiffres que j'ai en main, il y a quatre ans, les provinces ont reçu plus de 19 milliards de dollars de transferts en espèces au titre de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale, par le biais de ce qui s'appelait alors le Régime d'assistance publique du Canada et du Financement des programmes établis. Cette année et chaque année d'ici l'an 2000, elles recevront 12,5 milliards de dollars. Le leader vient de le mentionner. Les calculs du gouvernement sont porteurs de bonnes nouvelles, car, à l'origine, les provinces devaient recevoir encore moins.

Le problème, c'est qu'en vertu du nouveau programme, certaines provinces recevront moins, alors que d'autres recevront plus. En fait, sept des dix provinces verront leurs transferts en espèces diminuer encore plus, dont toutes celles du Canada atlantique.

Le transfert en espèces à la Nouvelle-Écosse baissera de 16 millions de dollars, passant de 427 à 411 millions de dollars. Le transfert à l'Île-du-Prince-Édouard passera de 60 à 59 millions de dollars, accusant une baisse d'un million de dollars. Le transfert en espèces à Terre-Neuve passera de 281 à 251 millions de dollars, ce qui représente une différence de 30 millions de dollars. Quant au Nouveau-Brunswick, il perdra 11 millions de dollars. Le total des pertes pour les provinces de l'Atlantique s'élève à 58 millions de dollars.

Au même moment, trois provinces, soit l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, verront leurs paiements en espèces augmenter. Ce que le Canada atlantique perd, elles le gagnent.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire si le gouvernement estime juste de demander aux provinces les plus désavantagées de continuer de recevoir de moins en moins d'argent au fil des ans, au titre de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur DeWare d'avoir fait les calculs pour moi. Je regrette seulement de ne pas les avoir faits moi-même avant de venir au Sénat aujourd'hui. Je serais heureux d'examiner les raisons pour lesquelles ces chiffres apparaissent tels qu'elle les a présentés.

Le sénateur DeWare: Fort bien. La racine du problème semble être la formule qui détermine maintenant les transferts, non pas en fonction des besoins particuliers des provinces, mais bien en fonction de la population. Le fait que nos provinces soient moins en mesure de trouver des fonds que les autres provinces «nanties» n'importera plus.

Honorables sénateurs, parce que les provinces de l'Atlantique ne connaissent pas une croissance démographique aussi importante que l'Ontario, l'Alberta ou la Colombie-Britannique, les petites provinces obtiendront moins de transferts en espèces, alors que les grandes en recevront plus. Le chiffre de 12,5 milliards de dollars est réparti au prorata de la population provinciale.

Le gouvernement examinera-t-il sa façon de calculer les paiements de transfert de manière à éviter que ceux des provinces du Canada atlantique, de la Saskatchewan et du Manitoba ne diminuent encore?

Le sénateur Graham: Je vais certainement porter ces considérations très légitimes à l'attention du ministre responsable.

L'environnement

La réduction des émissions de gaz à effet de serre-L'appui des provinces à la position du gouvernement à Kyoto-Demande de précisions

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, le 1er décembre, en guise de position du Canada à la Conférence internationale sur le réchauffement de la planète, à Kyoto, le gouvernement fédéral a proposé que les pays développés réduisent de 3 p. 100 d'ici l'an 2010 le niveau de leurs émissions atteint en 1990 et que le Canada ramène les siennes au niveau atteint en 1990 d'ici l'an 2007.

Compte tenu du processus de consultation qui a précédé la conférence de Kyoto, le leader du gouvernement pourrait-il nous dire quelles provinces et quels territoires ont appuyé la position que défend maintenant le gouvernement fédéral à Kyoto, et quelles provinces et quels territoires ne l'ont pas fait?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si j'étais à Kyoto, je pourrais donner une réponse plus catégorique au sénateur Spivak. Je sais que l'Alberta est bien représentée à Kyoto, comme le sénateur Ghitter l'a dit dans le passé.

Je ne sais pas quelle est la position de chaque province. Il y a certes eu beaucoup de consultations à l'occasion de diverses réunions partout au Canada avant la conférence de Kyoto.

Les réunions des fonctionnaires des pays durent depuis quelques jours. À ma connaissance, celles des ministres ont commencé hier ou avant-hier, et se poursuivront jusqu'à demain.

La délégation canadienne est en plein coeur des négociations et songe à la position qui vaut mieux pour tout le Canada. Je ne doute pas, dans ce contexte, que tous les représentants des provinces sont consultés. Les négociations se déroulent toujours en ce moment, et il serait prématuré de spéculer sur leur issue.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre-L'année cible pour la mise en oeuvre de la position adoptée par le gouvernement à Kyoto-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Je remercie le leader du gouvernement au Sénat de sa réponse. Je voudrais souligner que le Manitoba, comme toutes les provinces, est distinct de l'Alberta.

Dans son annonce du 1er décembre, le gouvernement a également révélé qu'il ne pourrait pas fournir avant 1999 des détails plus précis sur le coût et la nature des mesures qu'il devra mettre en oeuvre pour respecter les engagements que nous prendrons à Kyoto. D'ici 1999, le gouvernement aura déterminé le coût des mesures qu'il faudra adopter compte tenu des engagements pris à Kyoto. Nous serons alors à huit ans de 2007.

(1440)

En supposant qu'il faille un certain temps pour mettre en oeuvre les mesures que le gouvernement proposera en 1999, nous pourrions nous retrouver en 2000, 2001, 2002 ou 2003 avant qu'il puisse parler de progression vers l'atteinte des objectifs. Certaines de ces mesures nécessiteront inévitablement des négociations et des ententes avec les gouvernements provinciaux, ce qui risque de repousser à 2006 même la date à laquelle le gouvernement pourrait commencer à mettre ces mesures en oeuvre.

Peut-être le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire en quelle année nous commencerons à mettre en oeuvre les décisions de Kyoto, car cela a nécessairement dû entrer en ligne de compte au cours des travaux préparatoires à la conférence.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui, honorables sénateurs, il y a eu des discussions et on a tenu compte du moment où les nouveaux objectifs ou les conclusions de la conférence de Kyoto pourraient être mis en oeuvre officiellement.

Je ne crois pas qu'il y ait eu d'accord final à ce sujet. Je sais que le gouvernement du Canada collaborera avec les provinces et les territoires ainsi qu'avec l'industrie, les groupes environnementaux et la population pour élaborer des plans réalisables, souples et progressifs de réduction des émissions. De nombreuses analyses économiques du coût possible des mesures de réduction des émissions ont été faites, mais aucune conclusion n'a cependant été arrêtée, que ce soit au sujet de la date cible ou des coûts réels.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre-L'étude de la société Informetrica sur l'atteinte des objectifs-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, vers la fin de la semaine dernière, la société d'experts-conseils Informetrica a publié une étude sur le défi que représente la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Voici ce que dit cette étude:

 

Nous concluons qu'il n'y a presque aucune chance qu'on atteigne cet objectif au Canada dans n'importe quel contexte économique raisonnable [...]
Et j'insiste sur cette dernière partie:

 

[...] compte tenu des engagements actuels.
Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si les ministres compétents sont au courant de cette étude et s'il y a eu des réponses ou des réactions à l'étude publiée par cette société prestigieuse?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement a suivi cette étude et a examiné le rapport. Il tiendra compte des résultats de cette étude pour arrêter ses conclusions. L'étude fournit des données très importantes. Je ne suis pas certain que le gouvernement appuie nécessairement ses résultats, mais il en tiendra certainement compte.

Le sénateur Spivak: Je suis heureuse d'entendre cela.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre-Le concept des objectifs différents-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Dans les discussions en cours à Kyoto, l'idée d'adapter les objectifs en matière de réduction au profil économique et social de chaque pays plutôt que d'avoir des objectifs standard a gagné de la popularité, particulièrement à la suite de la proposition présentée très récemment par les Américains. Quelle est la position de la délégation canadienne au sujet de ce concept?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les médias ont évidemment fait état d'une entente possible concernant les objectifs et les échéanciers, entente selon laquelle le Canada pourrait accepter une réduction de 5 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2010. Ils ont également mentionné que le même objectif serait établi pour d'autres pays clés, peut-être même les États-Unis. Toutefois, l'entente dont il a été question dans les médias prévoirait des objectifs plus élevés pour certains pays et moins élevés pour d'autres pays, selon leur capacité et leur volonté. À ce moment-ci, ce ne sont que des spéculations, mais des négociations sont en cours.

[Français]

L'unité nationale

Les dernières remarques du premier ministre sur les conditions éventuelles de la sécession-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'aimerais revenir sur la déclaration du premier ministre, la fin de semaine dernière, au sujet de la sécession du Québec. En effet, le premier ministre a indiqué à Québec, la semaine dernière, qu'il serait prêt à négocier la séparation du Québec si certaines conditions étaient remplies.

Ma première question vise à connaître ces conditions auxquelles le premier ministre faisait référence.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement canadien a toujours dit que les Québécois ne seraient pas retenus au Canada contre leur volonté. Cela dit, le démembrement d'un pays n'est pas une chose qu'on prend à la légère. Avant de le faire, il faut d'abord s'assurer que c'est bien ce que veulent les Québécois. C'est pourquoi la question qui serait posée dans un autre référendum devrait être très claire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui ou non?

Le sénateur Graham: Les Québécois devront exprimer clairement leur volonté de quitter le Canada. En outre, tout processus menant à la sécession devrait évidemment respecter la loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Que dit la loi au sujet de la sécession?

Le sénateur Graham: Le gouvernement a demandé à la Cour suprême du Canada de statuer sur la légalité d'une sécession unilatérale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je croyais que M. Dion avait répondu à cette question la semaine dernière en déclarant qu'une déclaration unilatérale d'indépendance serait illégale.

[Français]

Le sénateur Nolin: Le premier ministre nous a dit qu'il était prêt à négocier. Le leader du gouvernement au Sénat, hier, a répondu que le gouvernement n'était pas prêt à négocier.

Le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, M. Brassard, nous dit ce matin, et je cite:

C'est ce que nous avons toujours dit.

Gardez bien à l'esprit que ce ministre est séparatiste! Je répète ses paroles:

C'est ce que nous avons toujours dit.

M. Chrétien a admis que le gouvernement fédéral négocierait. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous dire au nom de quelle autorité le premier ministre pourrait ainsi négocier?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Le premier ministre négocierait au nom des Canadiens, mais en tenant compte du fait que neuf autres provinces et les territoires sont concernés. Je suis sûr que le premier ministre tiendra compte de tout cela.

[Français]

Le sénateur Nolin: La Cour suprême a reçu la demande de votre gouvernement pour statuer sur la question de la sécession du Québec. Nous apprendrons de toute évidence par la Cour suprême que la formule d'amendement serait appropriée si les Canadiens étaient d'accord de permettre à une province de se séparer du reste du Canada. Est-ce que le premier ministre, le ministre des Affaires intergouvernementales ou des fonctionnaires de votre gouvernement ont eu des discussions formelles ou informelles sur cette question avec les représentants des neuf autres provinces?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Pas à ma connaissance, honorables sénateurs. Nous sommes évidemment au courant des rencontres qu'ont tenues les premiers ministres à Calgary. Nous savons qu'une conférence des premiers ministres doit se tenir dans le courant de la semaine à Ottawa et que la question pourrait y être soulevée. Toutefois, autant que je sache, il n'y a pas eu jusqu'à maintenant de discussions officielles ou officieuses entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux.

(1450)

L'immigration

Le suivi et la détention des revendicateurs du statut de réfugié éconduits-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et fait suite à celles que je lui ai posées hier et qui avaient trait à l'immigration.

Honorables sénateurs, 78 p. 100 des personnes qui se voient refuser le statut de réfugié par nos commissions de l'immigration disparaissent sans laisser de trace au Canada ou à l'étranger. Le leader du gouvernement peut-il dire à la Chambre quelles sont les mesures envisagées afin de mettre en détention les personnes qui sont dangereuses ou qui ne quitteront vraisemblablement pas le Canada de leur plein gré? Où ces personnes seront-elles détenues et quels contrôles seront mis en place afin de protéger les Canadiens?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la question de mon collègue très au sérieux, tout comme celles qu'il m'a posées hier. Je continue mes démarches afin de lui obtenir des éclaircissements le plus rapidement possible à ce sujet.

Les centres de détention des revendicateurs du statut de réfugié-Demande de précisions

L'honorable Donald H. Oliver: Comme l'honorable leader le sait, le ministère de l'Immigration a des centres de détention un peu partout au Canada. Peut-il nous dire combien de revendicateurs du statut de réfugié sont actuellement en détention, combien il y a de centres, et à combien se monte le coût annuel d'entretien de ces centres?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur le sait, je n'ai pas les chiffres sous la main. Néanmoins, je me ferai un plaisir de les obtenir.

Les pêches et les océans

Les négociations concernant l'Accord multilatéral sur l'investissement-La prorogation de la limitation de la participation étrangère dans les permis de pêche commerciale-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat porte sur l'Accord multilatéral sur l'investissement. L'un des objectifs de base de l'AMI est de traiter les investisseurs étrangers comme s'ils étaient des investisseurs nationaux; c'est ce qui s'appelle le principe du traitement national. Le gouvernement nous assure que des efforts seront faits pour protéger notre culture, mais il demeure très vague en ce qui concerne d'autres secteurs importants de notre économie.

Le ministre pourrait-il, par conséquent, dire à la Chambre si nos négociateurs vont chercher à continuer à limiter la participation étrangère à 49 p. 100 en ce qui concerne les permis de pêche commerciale au Canada?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas certain de la position actuelle. Je présume que les suppositions de mon honorable collègue sont exactes, mais je vais obtenir des précisions.

Le sénateur Comeau: Je me permettrais de signaler au ministre que la participation étrangère est limitée à 49 p. 100 dans le cas des permis de pêche. Malheureusement, les négociateurs restent pratiquement muets sur la façon dont ils vont aborder ces questions extrêmement importantes pour les localités du littoral canadien.

En guise de question complémentaire, je demanderai également au ministre de nous dire si les négociateurs ont consulté l'industrie de la pêche à ce sujet. Si oui, quelle est la position du gouvernement par rapport à l'industrie de la pêche?

Le sénateur Graham: La réponse, honorables sénateurs, est oui, nous consultons l'industrie de la pêche. Je pense que sa position est exactement celle qu'a suggérée mon honorable collègue. C'est une autre question que je vais tirer au clair pour lui.

 

La défense nationale

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-La possibilité de discussions au Cabinet concernant l'attribution du contrat d'achat des hélicoptères-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le Cabinet a-t-il étudié ce matin la question de l'attribution du contrat des nouveaux hélicoptères de recherche et de sauvetage?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue serait le premier à reconnaître qu'il ne convient pas que je commente les discussions de ce matin au Cabinet.

L'honorable Lowell Murray: Conviendrait-il que le ministre nous dise si la question a été étudiée la semaine dernière?

Le sénateur Graham: Le gouvernement s'occupe activement du dossier des hélicoptères.

Le Cabinet s'est réuni jeudi dernier. Comme les sénateurs le savent, je n'étais pas au Sénat ce jour-là. J'étais invité à prononcer un discours à l'extérieur du pays. Je ne saurais donc dire, même si j'y étais autorisé, si l'on a discuté de cette question à la réunion du Cabinet de jeudi dernier.

Le sénateur Forrestall: Si c'était la dernière réunion du Cabinet avant le congé de Noël, j'en conclus qu'aucune décision ne sera annoncée avant le début de l'année prochaine.

Le sénateur Graham: Si c'est une question, j'espère que mon collègue se trompe et que j'ai raison quand je dis que j'espère qu'une décision sera prise avant la fin de l'année.

Le sénateur Forrestall: Le Cabinet se réunira encore, dans ce cas. Je suis heureux de l'apprendre.

 

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-L'état de la flotte d'hélicoptères Sea King-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Vingt-quatre des hélicoptères Sea King qui étaient cloués au sol ont maintenant été inspectés et autorisés à reprendre l'air, sauf deux d'entre eux qui ont dû subir des réparations. Où sont les six autres? Sont-ils sur des navires en mer? Nous en avons 30 en stock.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, oui, nous avons 30 hélicoptères en stock. Comme je l'ai dit hier, 24 hélicoptères ont été autorisés à voler. Il en reste six à inspecter, et ils le seront d'ici le 18 décembre.

Sur les 24 qui ont subi l'inspection, deux seulement ont nécessité des réparations. Quant à savoir où se trouvent précisément les six autres, je devrai consulter les autorités responsables à la Défense nationale. Je ferai part de la réponse à mon collègue.

Le sénateur Forrestall: Nos alliés de l'OTAN ont-ils formulé des critiques concernant l'interdiction de vol de ces appareils? Si j'ai bien compris, ces appareils sont en mer, et un certain nombre d'entre eux sont utilisés pour des exercices d'entraînement. Avons-nous été critiqués pour ne pas avoir été en mesure de respecter nos obligations?

Le sénateur Graham: Pas que je sache. Je crois savoir que ces hélicoptères participent à des exercices en mer. Je ne sais pas exactement où, ni dans quel océan. Il se peut même que ce soit un secret militaire.

 

Les relations fédérales-provinciales

L'égalité entre la réduction des paiements de transfert aux provinces de l'Atlantique et l'augmentation des transferts sociaux-La position du gouvernement

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question complémentaire se rapporte aux questions de l'honorable sénateur DeWare. Je reviendrai sur ce point demain et après-demain.

J'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat nous dise si les compressions dans les paiements de transfert en matière de programmes sociaux au Canada atlantique, dont il a été question hier, correspondent aux augmentations des transferts sociaux annoncées à deux reprises déjà par le gouvernement.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Non, pour autant que je sache, mais la question est intéressante. Je trouverai la réponse.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai ici la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Oliver a posée au Sénat le 25 novembre 1997 au sujet de la réforme du Régime de pensions du Canada et de l'Office d'investissement du RPC; la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Oliver a posée au Sénat le 19 novembre 1997 concernant le non-assujettissement de l'Office d'investissement à la Loi sur l'accès à l'information; la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Kinsella a posée au Sénat le 23 octobre 1997 au sujet du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme; la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Forrestall a posée au Sénat le 20 novembre 1997 au sujet du manque d'hélicoptères pour un certain nombre de frégates de la marine et la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Spivak a posée au Sénat le 20 novembre 1997 au sujet de la démolition des laboratoires gouvernementaux et du rétablissement possible du financement.

 

Le développement des ressources humaines

La réforme du Régime de pensions du Canada-La responsabilité et la transparence de l'Office d'investissement-La promesse de publier des états financiers trimestriels-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 25 novembre 1997)

Le projet de loi C-2 oblige l'Office à préparer des états trimestriels non vérifiés et à les remettre aux ministres fédéral et provinciaux des Finances. L'Office peut choisir de permettre au public d'avoir accès directement à ces états, mais le projet de loi ne prévoit aucune obligation.

En vertu du projet de loi C-2, les états financiers annuels vérifiés de l'Office d'investissement du RPC doivent être rendus publics et déposés au Parlement. Dans le contexte du rapport annuel, ces états permettront d'avoir un aperçu plus exact et utile du rendement financier à long terme de l'Office, et d'assurer que l'Office rende compte aux gouvernements fédéral et provinciaux et au public.

Lors des consultations au sujet de l'avant-projet de loi du RPC, y compris des audiences du comité permanent des finances de la Chambre des communes, plusieurs experts en caisses de retraite ont recommandé de ne pas publier d'états trimestriels. Ils ont prétendu que la publication courante de résultats trimestriels pourrait faire perdre de vue les objectifs d'investissement à long terme de l'Office. D'autres grandes caisses de retraite, comme la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario et le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, ne publient pas leurs résultats trimestriels pour ces raisons. Pour une caisse de retraite, le rendement des investissements à long terme est primordial.

 

La réforme du Régime de pensions du Canada-Le non-assujettissement de l'Office d'investissement à la Loi sur l'accès à l'information-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 19 novembre 1997)

Appliquer la Loi sur l'accès à l'information à l'Office d'investissement du RPC serait inapproprié.

Le mandat de l'Office est de placer les fonds du RPC, sans lien de dépendance avec le gouvernement, au mieux des intérêts des membres du régime. En tant qu'institution de placement, la plupart de ses activités quotidiennes seront délicates sur le plan commercial et seraient, de toute façon, exemptes aux termes de l'AI.

Même si l'AI ne s'applique pas à l'Office d'investissement du RPC, en vertu de la loi et de la réglementation, les opérations de l'Office devront être très transparentes et celui-ci fera l'objet d'un examen public minutieux.

Par exemple, l'Office sera tenu de:

 

  1. w rendre publics ses politiques de placement, son code d'éthique, ses pratiques administratives, ses lignes directrices en matière de vote par procuration et son règlement
  2. w divulguer la rémunération versée à cinq de ces cinq cadres les mieux payés du Conseil
  3. w dresser des états financiers trimestriels et les faire parvenir aux ministre des Finance et aux ministres provinciaux compétents, ainsi que dresser un rapport annuel et le faire déposer devant chaque Chambre du Parlement
  4. w tenir régulièrement des réunions publiques dans chaque province participante afin de permettre un débat public et de recueillir l'avis du public.

La Déclaration universelle des droits de l'homme

la commÉmoration du 50e anniversaire-les plans du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Noël A. Kinsella le 23 octobre 1997)

Les Nations Unies ont invité tous les pays à commémorer le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1998. Le ministère du Patrimoine canadien coordonnera cet événement qui s'échelonnera sur une année et débutera le 10 décembre 1997.

Le 50e anniversaire offre aux Canadiens l'occasion de réfléchir à l'importance des droits de la personne pour notre nation en tant que valeur fondamentale qui nous unit et que nous léguerons aux générations à venir.

La commémoration de cet événement vise à promouvoir le respect des droits de la personne et des responsabilités à cet égard; à souligner les progrès du Canada dans la mise en application des normes en matière de droits de la personne, tant à l'échelle nationale qu'internationale; à mettre en oeuvre des approches souples et novatrices pour faire face aux nouveaux enjeux des droits de la personne; à élargir le plan d'action du gouvernement en matière de cohésion et de justice sociales pour y inclure les valeurs qui sont chères aux Canadiens, telles que le respect de la primauté du droit, la dignité de la personne, la justice, l'équité du traitement et la participation démocratique.

 

Activités devant avoir lieu autour du 10 décembre 1997 pour le lancement de l'année de commémoration du 50e Anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)







La défense nationale

Le manque d'hélicoptères pour les frégates de la Marine-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 20 novembre 1997)

Le commandement aérien dispose de onze détachements d'hélicoptères Sea King qui sont à la disposition de la force maritime satisfaisant ainsi aux exigences exposées dans le Livre blanc sur la défense de 1994. Le Livre blanc prévoit un groupe opérationnel naval sur chaque côte comprenant un destroyer de la classe IROQUOIS, trois frégates de la classe HALIFAX et un navire pétrolier ravitailleur. Ces navires requièrent un total de dix détachements d'hélicoptères Sea King. Un onzième détachement est nécessaire à titre de soutien d'un navire déployé à plein temps à la Force navale Atlantique de l'OTAN, conformément à l'engagement pris par le Canada.

L'approche de la force maritime en ce qui a trait à la capacité opérationnelle se fait à trois niveaux: une capacité dite «élevée» pour les navires qui remplissent un rôle national; une capacité «soutenue» pour ceux qui sont en carénage ou en maintenance; et une capacité «normale» pour le reste de la flotte. Les navires qui ont une capacité opérationnelle normale ou soutenue n'ont pas besoin en principe de détachement à bord pour remplir leur rôle opérationnel. De plus, certaines missions telles que les patrouilles de la protection de la souveraineté, les patrouilles côtières et des pêcheries n'ont pas nécessairement besoin d'un détachement d'hélicoptères. Les navires peuvent donc être déployés en mer sur un pied d'alerte opérationnel sans avoir un détachement d'hélicoptères à bord.

 

Les forêts

La démolition de laboratoires gouvernementaux-Le rétablissement possible du financement-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Mira Spivak le 20 novembre 1997)

À la suite de l'Examen des programmes du gouvernement fédéral, le Service canadien des forêts (SCF) a fait l'objet d'une restructuration stratégique visant à rationaliser ses activités et à réduire les coûts liés à l'infrastructure afin qu'un maximum de fonds puisse être consacré à la recherche dans le contexte d'un budget de fonctionnement réduit. Aussi a-t-on décidé d'éliminer plusieurs activités de Ressources naturelles Canada (RNCan), dont celles de l'Institut forestier national de Petawawa (IFNP), dans le cadre d'une initiative ministérielle redéfinie pour réorienter nos programmes de Science et Technologie (S-T). Ceux-ci s'intéressent à des questions d'importance nationale et internationale et profitent à nos clients grâce à des partenariats plus solides et plus efficaces avec les provinces, l'industrie et d'autres intervenants du secteur des forêts. Tous les principaux programmes de l'IFNP ont été transférés aux cinq centres de recherche du SCF; la majeure partie des activités de recherche fondamentale de l'IFNP n'ont donc pas été interrompues. Malgré la fermeture des installations de l'IFNP, la Forêt expérimentale de Petawawa demeure une composante active des activités de recherche du SCF; cette forêt expérimentale d'envergure nationale continue d'être utilisée par des scientifiques du monde entier.

Les demandes de remboursement de dépenses visant des améliorations faites avant la fermeture de l'IFNP concernaient en fait des dépenses d'entretien, l'achat d'équipement et quelques améliorations du site. En raison de la fermeture des installations, l'ensemble de l'équipement de recherche et des biens transportables nécessaires aux activités de programme en cours ont été transférés dans les centres de recherche du SCF et confiés aux programmes correspondants.

La propriété appartient au ministère de la Défense nationale. C'est donc ce dernier qui prend les décisions relatives à l'utilisation à long terme du site. On a reporté deux fois la dernière étape de la démolition pour tenter de trouver de nouveaux locataires pour le site. Dans son état actuel, le site présente des risques sur les plans de la sûreté et de la responsabilité et, uniquement au niveau de l'entretien, il requiert des dépenses annuelles importantes pour le chauffage et l'infrastructure.

 

Dépôt de réponses à des questions au Feuilleton

L'énergie-Le ministère de l'Environnement-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 13 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

L'énergie-Le ministère de la Justice-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 26 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

L'énergie-Le ministère du Multiculturalisme-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 31 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

L'énergie-Le ministère des Ressources naturelles-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 34 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

La défense-L'état du projet Habillement du soldat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 60 inscrite au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

 

La défense-La situation du programme de remplacement des transports de troupes blindés

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 61 inscrite au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

 


Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, je voudrais vous rappeler que nous prendrons la photo officielle du Sénat demain, à 13 h 30.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord et avant tout faire très clairement savoir que les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre sont partisans du maintien du RPC. N'allez pas vous y méprendre. Il y a toutefois un certain nombre de questions qui nous semblent pertinentes et importantes, et ce, non seulement à nos yeux mais également aux yeux de tous les sénateurs. Certains sénateurs, et j'en suis, portent un intérêt tout à fait particulier à ce projet de loi. Ce projet de loi nous a été présenté la semaine dernière pour que nous en fassions l'étude. Maintenant, il nous faut en terminer l'étude et l'adopter avant Noël. Nous ne sommes pas des servants. Nous n'avons d'ordres à recevoir de personne. Nous devons faire ce que nous croyons être juste.

Ce projet de loi a des conséquences importantes pour nombre d'entre nous, mais surtout pour nos enfants et nos petits-enfants. Les gens qui sont déjà à la retraite et ont 65 ans toucheront toutes les prestations auxquelles ils sont admissibles. Rien ne change pour eux, même s'ils n'ont cotisé peu ou prou au RPC. Je n'ai rien à redire à cela. Les gens qui sont dans la cinquantaine et sont sur le point de prendre leur retraite seront peu touchés. Leurs prestations seront légèrement réduites et leurs cotisations légèrement augmentées. Quant à ceux qui ont cotisé toute leur vie durant, c'est-à-dire ceux de la génération du baby-boom qui auront bientôt 50 ans, ils toucheront des prestations mais verront leurs cotisations augmenter au cours des 15 prochaines années.

Je vais vous dire pour qui c'est important. J'ai une fille de 24 ans et un fils de 21 ans. Nombre d'entre vous avez aussi des enfants et même des petits-enfants. Le gouvernement leur réclame 9,9 p. 100 - je suis sûr que c'est 9,9 p. 100 parce que le ministre tenait à ne pas atteindre le chiffre 10. Oui, cela représente 10 p. 100 de leur revenu, et c'est sans compter l'inflation. Les 35 000 $ sur lesquels ils cotisent aujourd'hui vont inévitablement être à la hausse demain.

À l'heure actuelle, nous avons droit à une déduction de 3 500 $ avant de cotiser au RPC. Paul Martin a gelé ça. L'inflation aidant, les chiffres grossissent, mais pas celui-là. Cela va à l'encontre de tout ce que nous avons fait dans le cadre de ce programme depuis son entrée en vigueur en 1966. Il reste le même. Dans 10 ou 15 ans, ces 3 500 $ vaudront 1 500 $, 1 000 $ ou 500 $, selon les décisions que prendra le gouvernement et le taux d'inflation.

Le sénateur Taylor: Élisez les libéraux et il sera élevé!

Le sénateur Tkachuk: Si nous élisons les libéraux, l'inflation sera élevée? Nous le savons déjà! Nous savons ce que nous avons dû faire dans les années 80 pour lutter contre ce que les libéraux avaient fait dans les années 70, lorsque les taux d'intérêt se situaient entre 18 p. 100 et 21 p. 100. Qu'on maintienne les libéraux au pouvoir suffisamment longtemps et je sais ce qui se passera.

Permettez-moi de poursuivre dans le même ordre d'idées. Les sénateurs d'en face ne veulent peut-être pas entendre ce que fera Paul Martin et les explications qu'ils devront donner à la maison dans 10 ou 15 ans, lorsque leurs enfants leur demanderont ce qu'ils ont fait à propos de ce projet de loi. Lorsque ces enfants prendront leur retraite, leurs prestations du RPC vaudront à peu près le montant qu'ils y ont investi, plus 2.5 p. 100.

Cela me dépasse. Je ne comprends pas pourquoi on nous demande de faire cela à nos enfants pour que les gens qui prennent leur retraite aujourd'hui puissent toucher des prestations complètes et ceux qui la prendront sous peu puissent toucher les leurs. Je ne comprends pas. Je tenterai d'expliquer cela aujourd'hui, et j'espère pouvoir vous convaincre.

Le RPC fait partie d'un programme plus vaste que Paul Martin présente. Tout porte sur une réforme. Nous aurons une réforme de la prestation de sécurité de la vieillesse, qui aura lieu après Noël. Il faut adopter ce projet de loi avant Noël, pour que nous puissions envisager des changements dans les réductions qui devront être faites après Noël. Nous, de ce côté-ci, estimons que ces questions devraient être discutées ensemble, car elles font partie d'un programme de pensions et d'un filet de sécurité sociale au profit des personnes qui, à l'âge de 65 ans, veulent prendre leur retraite avec un peu de dignité.

Nous croyons fermement que cette mesure est une charge sociale qui fait perdre des emplois. Hier, le sénateur Kirby a dit que ce n'était pas une charge sociale. En avril 1995, le ministère des Finances a réalisé une étude dont on a fait rapport dans le Toronto Star. L'étude notait que l'augmentation relativement modeste des cotisations au RPC entre 1986 et 1993 a entraîné la perte de 26 000 emplois. Elle notait en outre que les augmentations ont eu et continuent d'avoir une incidence négative sur la main-d'oeuvre. Cette affirmation contredit les arguments du gouvernement selon lesquels les cotisations au RPC ne constituent pas une charge sociale, mais plutôt une contribution aux pensions. Dans son propre rapport, le ministère des Finances déclare que les cotisations de l'employeur au RPC et au Régime de rentes du Québec font partie de la charge sociale obligatoire. Dans ce même rapport, le ministère a fait une mise en garde contre des charges sociales plus élevées et a dit qu'il s'agissait bien d'une charge sociale.

De ce côté-ci, nous croyons fermement qu'il faudrait discuter de certaines questions importantes avant d'adopter ce projet de loi. Il devrait y avoir une baisse d'autres impôts, peut-être des charges sociales aux fins de l'assurance-emploi, par exemple, afin de compenser les augmentations des cotisations au RPC et d'alléger les répercussions sur les emplois.

Nous devrions obtenir une évaluation complète de toute modification qui est proposée au régime de sécurité de la vieillesse et de l'incidence qu'elle aura sur les incitatifs futurs à économiser. Le vérificateur général devrait avoir libre accès non seulement au fonds, mais aussi au conseil d'administration, afin de hausser les limites des cotisations au RPC, pour que les gens aient la possibilité d'être autonomes, et d'éliminer les restrictions à l'investissement de REER à l'étranger.

Honorables sénateurs, il y a des accents de vérité dans toute chose vilaine. C'est pourquoi nous parlons de propagande. Le gouvernement est passé maître dans l'art de la propagande, avec sa façon d'alerter le pays pour sauver le RPC et de prévoir le pire scénario au cas où aucune mesure ne serait prise aujourd'hui, à la minute même. Ses consultations avaient simplement une valeur symbolique. En invoquant la clôture, le gouvernement a trahi son intention. Il a déclaré au Sénat qu'il était important d'agir maintenant parce que le ministre des Finances avait conclu un accord avec les provinces.

Selon son habitude, le gouvernement a procédé par diversion, en y ajoutant un peu d'imagination. Elle a été commode, la diversion de la grève des postes suivie d'une loi forçant le retour au travail présentée à la Chambre en même temps qu'on présentait le projet de loi C-2 à l'autre endroit et qu'on imposait la clôture. De même, il a été commode pour le gouvernement d'accuser à tort l'ancien premier ministre d'intention et de comportement criminels, une fois que le gouvernement a paru si incompétent aux Canadiens à la suite du référendum tenu au Québec.

Ce n'est pas une question de la fin qui justifie les moyens. Dans ce projet de loi, les moyens et la fin sont également répréhensibles.

On a imposé l'attribution de temps sept fois à propos d'autres projets de loi, plus récemment au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-22 concernant l'aéroport Pearson. On l'a imposée au débat du projet de loi C-110 qui proposait des modifications constitutionnelles, au débat du projet de loi C-12 qui portait sur l'assurance-emploi et au débat sur le rapport du comité concernant la clause 17. Cela devient une habitude, une habitude dont il est difficile de se défaire.

Le projet de loi C-2 s'inscrit dans une série de mauvais projets de loi, d'initiatives incompétentes et de décisions dictatoriales. Il a été présenté la semaine dernière au Sénat, après avoir été adopté à la suite d'une attribution de temps à l'autre endroit. En l'adoptant, le gouvernement impose la ponction fiscale la plus énorme de l'histoire du pays. Les Canadiens ne sont pas au courant de ce qui se passe, surtout les jeunes qui seront les plus touchés et les plus maltraités. Nous leur devons, à nos enfants et à nos petits-enfants, d'examiner le projet de loi à fond et de l'amender, parce que ce n'est pas leur faute si ce programme a été si mal géré. Ils auront peu de chance de toucher des prestations du RPC; cela explique les changements que le gouvernement entend y apporter.

Nous ne faisons que pousser l'argent durement gagné des Canadiens entre les mains cupides de Paul Martin, le ministre des Finances, qui veut être l'homme qui aura réussi à terrasser le dragon du déficit, et nous savons comment il entend s'y prendre. Il a utilisé trois moyens pour parvenir à cette fin.

Il a commencé par faire passer une bonne partie du fardeau fiscal dans la cour des provinces, en les forçant indirectement à hausser les impôts. Comme les gouvernements provinciaux et les municipalités recevaient moins d'argent, ils ont dû hausser les impôts. Le gouvernement a transféré la dette.

Puis, ce gouvernement a profité des faibles taux d'intérêt qui résultaient des efforts déployés durant huit ans par le gouvernement conservateur pour maîtriser le déficit et l'inflation et faire baisser les taux d'intérêt.

Enfin, Paul Martin a ensuite non seulement haussé les droits de permis et les taxes, mais il a utilisé l'excédent accumulé dans la caisse de l'assurance-emploi pour réduire le déficit. C'est ce qu'il a fait avec les charges sociales. C'est ce troisième volet qui nous met mal à l'aise, de ce côté-ci. Il a utilisé l'excédent de la caisse de l'assurance-emploi non pas pour fournir des prestations ni pour réduire les cotisations - ce que l'on fait normalement avec les charges sociales - mais pour réduire les prestations aux fins d'un objectif complètement distinct. Il a utilisé ces charges sociales, purement et simplement, pour réaliser son objectif politique de réduction du déficit.

Nous ne pouvons qu'imaginer ce qu'il fera de l'excédent qu'il espère accumuler dans le RPC. Nous prévoyons des manipulations sur le front de la politique économique qui compromettront la solidité du fonds. C'est pourquoi il est interdit au vérificateur général d'examiner le fonds sans l'accord des administrateurs. Il n'appartient pas aux administrateurs de donner ou de refuser leur accord. Le Parlement doit insister pour que le vérificateur général lui fasse rapport sur le fonds et sur son administration. Ce qui est prévu, c'est que le vérificateur général fasse rapport aux administrateurs du fonds sur leur propre gestion. C'est inadmissible.

Le montant en cause est de 100 milliards de dollars d'ici 2006, et il y aura ensuite de rapides augmentations. Un montant équivalant aux dépenses de fonctionnement actuelles de tout le gouvernement du Canada sera confié à quelques personnes qui n'ont pas de comptes à rendre au Parlement. On juge un gouvernement à son bilan. Dans ce cas-ci, il échoue.

Il n'est pas normal que le gouvernement prélève des cotisations pour l'assurance-emploi et réduise ensuite les services afin d'accumuler un excédent pour abaisser le déficit. Il utilise alors l'argent à une autre fin. Le gouvernement prélève des impôts pour les transports puis impose des taxes d'aéroport et des péages sur les routes, alors que nous avons déjà payé des impôts pour construire et entretenir ces infrastructures. Il prélève des impôts pour aménager des sites historiques et des parcs nationaux, puis il exige des frais d'entrée. Il perçoit des cotisations pour le régime de retraite, mais voici qu'il est incapable de verser les prestations. Il relève donc les cotisations.

Le gouvernement prétend réformer le RPC. Cela n'a rien d'une réforme. Voyez le projet de loi. Il augmente simplement les cotisations et réduit les prestations. N'importe qui peut faire ça. Même les libéraux.

Comme il est incapable de gérer le programme actuel, le gouvernement veut plus d'argent pour mieux s'en tirer. C'est comme si le renard veillait sur le poulailler, Al Capone sur la société des alcools, Doug Young sur le projet de loi C-22. C'est comme confier à Allan Rock la responsabilité de la justice, à Christine Stewart le dossier des gaz à effet de serre, à Sheila Copps l'escouade de la vérité, et au premier ministre le référendum québécois.

Rappelons-nous que l'auteur du projet de loi C-2 est Paul Martin. On oublie qu'il a aussi rédigé le livre rouge de 1993. Souvenez-vous comment Paul Martin et ses acolytes se sont vantés, au moment de la victoire, du fait qu'il avait été l'auteur du livre rouge qui leur avait permis de remporter les élections.

Paul Martin est un homme brillant. Dans le livre rouge, il a promis d'abolir la TPS. Nous nous en souvenons tous. Nous nous souvenons qu'il a dû s'abaisser à suborner trois provinces atlantiques, à même les fonds publics, pour pouvoir tenir sa promesse d'harmoniser les taxes. Il s'est ensuite excusé auprès des Canadiens de les avoir mal renseignés.

Entre-temps, le premier ministre et la vice-première ministre Sheila Copps promettaient d'abolir la TPS, sans réellement y croire; c'est ce qu'ils ont dit, mais les bandes vidéo nous ont révélé qu'ils n'avaient pas dit la vérité.

Dans le vieux livre rouge, Paul Martin a promis que le gouvernement annulerait l'achat d'hélicoptères et investirait plutôt l'argent dans les programmes sociaux. Maintenant, 900 millions de dollars plus tard, nous n'avons pas encore d'hélicoptères qui sont sécuritaires. Il leur est tous interdit de voler.

Voilà le Paul Martin que nous connaissons si bien de ce côté-ci, la duplicité personnifiée. Il a écrit le livre rouge pour pouvoir renégocier l'Accord de libre-échange. Il a été couvert de gloire après les élections de 1993.

Aujourd'hui, il dit: «Il faut adopter à toute vapeur le projet de loi C-2. Faites-moi confiance.» Le ministre déclaré qu'il a besoin du projet de loi pour mener à bien une entente avec les provinces. Je n'ai jamais entendu parler de cette entente. Personne n'en a entendu parler. Si quelqu'un en face sait de quoi il s'agit, qu'il me le dise.

Pas une province ne nous a demandé de renoncer à nos obligations parlementaires et d'adopter ce projet de loi avant le 1er janvier, sans quoi elle annulerait l'entente. Le ministre des Finances est pressé parce qu'il veut percevoir 400 millions de dollars de plus en impôts pour l'exercice financier 1997. Ce sont encore les travailleurs à revenu moyen et faible qui devront porter le fardeau de ce projet de loi.

Joyeux Noël, Canada. Faisons un cadeau de Noël aux Canadiens en rejetant ce projet de loi. Tuons ce projet de loi.

Nous connaissons trop bien le bilan des libéraux. Nous n'apprécions pas du tout le fait que le projet de loi ne pourra être examiné de près par le Sénat. Nous savons tous ce qui se passera lorsque les choses commenceront à se gâter avec ce projet de loi, ce qui est inévitable. Je vous ai parlé des promesses que le gouvernement a faites. Nous connaissons tous son sens des responsabilités. Je peux imaginer la scène. Lorsque cette mesure législative aura semé la pagaille, Paul Martin aura 95 ans. Jean Chrétien aura 95, 96 ou 102 ans.

Le sénateur Taylor: Ils seront encore au pouvoir.

Le sénateur Tkachuk: Il ne reconnaîtra jamais sa responsabilité. Les libéraux n'assumeront jamais la responsabilité de leurs actes, pas plus qu'ils ne l'ont fait lorsqu'ils ont annulé l'enquête sur la Somalie ni lorsqu'ils ont posé de fausses accusations contre un ancien premier ministre. «Ce n'est pas moi, c'est quelqu'un d'autre qui a fait cela. Je ne sais pas qui, mais je ne suis pas responsable.» Voilà ce qu'ils disent.

Après avoir accusé des citoyens et des entreprises du Canada d'avoir obtenu illégalement un contrat à l'aéroport Pearson, ils ont dit que ce n'était pas eux qui avaient porté de telles accusations. Absolument rien ne prouvait qu'ils disaient la vérité. Ils n'ont assumé aucune responsabilité dans l'annulation du contrat des EH-101. Ils en parlent toujours au Cabinet. Ils n'en ont pas assumé non plus pour l'échec de leur stratégie de création d'emplois. Pas plus qu'ils n'en ont assumé après avoir presque perdu le pays lors du référendum au Québec. «Faites-nous confiance», disent-ils. Une chose dont on peut être sûr, c'est que si le gouvernement dit que c'est bon pour le Canada, ce n'est pas bon pour les Canadiens.

À l'époque du contrat social de 1966 avec les Canadiens, les libéraux étaient au pouvoir. Ils ont passé un contrat social avec leurs administrés. Ce sont eux qui l'ont fait. «Nous allons prendre votre argent et vous donner une pension», avaient-ils dit. Dès qu'ils ont eu mis leurs sales mains sur l'argent, ils l'ont prêté aux provinces à des taux avantageux. Ils ont trompé les Canadiens qui croyaient s'assurer une pension pour leurs vieux jours. Nous leur avons fait confiance il y a 30 ans et ils s'attendent à ce qu'on leur fasse encore confiance aujourd'hui.

Et pourtant, personne n'est responsable. Ils disent que ce n'est pas leur faute. «C'est la faute des sacrés actuaires, c'est la faute du peuple, ce n'est pas la faute du gouvernement.» Les membres de la génération du baby-boom, qui ont payé toute leur vie depuis le lancement du programme, ont l'audace d'atteindre 50 ans. Nous avons l'audace d'atteindre 50 ans!

Le sénateur Cools: Pas moi.

Le sénateur Tkachuk: De plus, ils ont eu le culot de limiter leur progéniture, ce qui fait que, dans 15 ans, il y aura moins de travailleurs pour payer les prestations de ceux qui auront alors 65ans. Ils ont limité leur progéniture. Nous n'étions pas en guerre. Cela n'a pas été causé par l'abstinence. D'après ce que l'on sait des comportements sociaux des années 70, l'abstinence n'était pas à l'ordre du jour. Disons qu'ils batifolaient. Ce n'était pas leur faute, mais celle des scientifiques. Le taux de natalité a cessé de croître et a démoli les tables d'amortissement. La cause, disaient-ils, c'était un comportement social. Voilà ce qui a causé la ruine de ce régime de retraire. Voilà un autre programme social qui déraille. Finis les beaux jours.

Nous avons un autre problème. Les gens vivent plus longtemps. Encore une fois, la science est intervenue avec un plan social. Que les gens prennent leur retraite à 65 ans, puis meurent de trois à six années plus tard, selon son sexe, c'était bon pour les gouvernements. Quand le régime a été créé en 1965 - les premières prestations ont été versées le 1er janvier 1967 -, pour être admissible aux prestations du RPC, il fallait avoir 68 ans, et 68 ans, c'était à peu près l'âge auquel mouraient les hommes, en moyenne. C'était le régime de pensions parfait. Payez toute votre vie, et mourez tout juste au moment où le premier chèque de pension est mis à la poste. En cas de grève postale, le gouvernement gagnait sur les deux tableaux: le retraité était mort et le chèque était à la poste.

Dès le début, le RPC était simple, mais mal nommé. Il était mal nommé parce qu'il était aussi un régime d'assurance-vie. À votre décès, vos bénéficiaires touchent 3 500 $. C'est bien. Cependant, c'est stupide quand cela fait partie d'un régime de retraite.

La prestation de décès sera-t-elle réduite à 2 500 $? L'argument s'énonce comme suit: il nous manque de l'argent pour les pensions, mais nous allons continuer de verser des paiements forfaitaires à vos héritiers après votre décès. Au lieu de supprimer les prestations de décès, on se demande s'il faudrait procéder à une évaluation avant de le faire. La suppression de cette prestation nous permettrait de faire beaucoup d'économies parce que nous n'aurions plus à payer 3 500 $ d'un seul coup au décès de chaque retraité. D'autre part, nous n'avons pas assez d'argent pour payer des pensions convenables aux vivants.

Il y a aussi un régime d'invalidité. Il n'y a rien de mal à avoir un régime d'invalidité, et le RPC en prévoit un maintenant. C'est une charge sociale que de financer le régime d'assurance-maladie universel, puis les ingénieurs sociaux sont entrés en jeu.

Je voudrais donner un aperçu historique aux sénateurs. Beaucoup de modifications ont été apportées au RPC au fil des ans. Pourtant, le gouvernement a dit qu'il n'y toucherait pas. Toutefois, il a modifié l'autre fonds. Depuis 1973, il adopte de nouvelles lois et crée de nouveaux programmes. Pourquoi ne pas se servir des fonds qu'il va accumuler dans l'autre fonds sur lequel le Parlement n'a aucune prise? Nous avons vu cela aujourd'hui quand nous avons étudié le budget des dépenses. Le gouvernement dit que nous l'avons fait quand nous étions au pouvoir. Cependant, les libéraux ont été au pouvoir beaucoup plus longtemps, de sorte qu'ils sont bien plus responsables que nous.

Les critères concernant la retraite et les gains des individus ont été éliminés en 1974. Des prestations ont été versées aux cotisants, hommes et femmes, aux conjoints survivants et aux enfants à charge. Je ne dénigre pas ces programmes. La plupart fonctionnent assez bien. Cependant, au lieu de financer ces programmes grâce aux recettes générales, le gouvernement a préféré puiser dans le RPC, parce qu'il était autrefois très bien pourvu. Il n'y avait pas autant de personnes âgées. Il y avait énormément de gens qui travaillaient et beaucoup d'argent. Le gouvernement s'est dit qu'il pouvait dépenser allègrement ces fonds. Personne ne pensait à ce qui arriverait lorsque les gens de l'important groupe démographique auraient 65 ans.

Les modifications ont prévu l'élimination des prestations aux enfants qui existaient autrefois en vertu du RPC - elles ont été changées de nouveau - et grâce auxquelles plus de quatre enfants d'un cotisant décédé ou invalide avaient droit aux prestations. Maintenant, si l'on a plus de quatre enfants, c'est très bien aussi. Toutefois, c'est un autre coût qui s'ajoutait à ceux d'un régime de pensions. Le gouvernement aurait dû prendre l'argent ailleurs ou augmenter les cotisations au RPC de manière à ce que les gens sachent la vérité et à ce qu'ils comprennent que, pour avoir droit à cela, ils allaient devoir payer chaque mois 10 ou 20 cents de plus. Les fonds étaient là, le gouvernement a donc puisé dedans.

Un projet de loi a été adopté à propos des crédits pour conjoint. Les gens divorcent, et la loi doit évoluer. Les gens qui divorcent peuvent partager les prestations. Ce n'était pas possible autrefois. Au début, ce n'était pas permis.

Cependant, avec le temps, le gouvernement a fini par l'autoriser, et c'est devenu une des causes du problème. Parce que les hommes meurent plus tôt et que les femmes vivent plus longtemps, l'argent est surtout allé aux femmes. Cela coûte plus cher. Je ne dis pas que ce n'est pas bien. Je dis simplement que les coûts augmentent soudainement parce que les femmes ont plus de chance ou parce qu'elles mènent une vie meilleure et plus saine que les hommes et qu'elles vivent plus longtemps qu'eux.

Le sénateur Gigantès: Elles nous survivent. Il faut de la force et de l'intelligence pour cela.

Le sénateur Moore: Voulez-vous dire que nous ne sommes pas intelligents?

Le sénateur Gigantès: Pas aussi intelligents que les femmes.

Le sénateur Tkachuk: Les prestations ont ensuite été élargies. Alors qu'il fallait autrefois vivre avec quelqu'un pendant sept ans pour pouvoir partager les prestations du RPC - autrement dit, pour que, au décès d'un des conjoints, l'autre puisse récupérer les prestations - cette période a été ramenée à un an. Après un an de vie commune, l'autre était considéré comme votre mari ou votre femme et les prestations étaient alors accordées au conjoint survivant, d'où une nouvelle augmentation des coûts.

Hier, le sénateur Kirby a fait allusion au fait qu'il y avait peut-être encore d'autres changements sociaux à venir. Je sais ce que cela signifie. Il est possible que les gouvernements reconnaissent les mariages entre gays et je crois qu'il voulait nous laisser savoir que de tels changements pouvaient se produire. C'est très bien, si le gouvernement veut faire cela. Donc, lorsque deux hommes vivront ensemble et que l'un des deux mourra, l'autre pourra recevoir l'argent. Cela coûte de l'argent. Mais il se pourrait que deux hommes vivent ensemble un an sans être gays. Comment pourra-t-on trancher?

Le sénateur Gigantès: Vous voulez des caméras de surveillance?

Le sénateur Tkachuk: Il y a donc une possibilité de fraude. Les gouvernements utilisent de l'argent, tout le monde le sait. Dès qu'il y aura un peu d'argent accumulé, ils mettront la main dessus.

Ce n'est pas un régime de pensions. Que ce soit bien clair. Il s'agit d'une charge sociale servant à payer les pensions de vieillesse, les prestations d'invalidité, l'assurance-vie, les prestations aux survivants, aux orphelins et aux enfants, ainsi que les exemptions pour élever des enfants. Nous n'avions rien de cela et il n'y a rien de mal là-dedans. Ils ont décidé qu'une personne qui reste à la maison sept ans pour élever des enfants est admissible au RPC et a donc droit aux prestations. C'est une mesure sociale, un bon programme social, soit, mais l'argent provient de la caisse de retraite.

Nous avons dépensé tout cet argent au cours des 30 dernières années et nous disons maintenant: «Ce n'était pas notre faute. Ce n'était pas la faute des législateurs. C'était la faute des contribuables qui en demandent trop. Nous n'avons plus assez d'argent, mais il faut nous en donner davantage et les choses iront mieux, c'est promis.»

Le sénateur Gigantès: Citez-vous le Parti réformiste?

Le sénateur Tkachuk: Je ne le pense pas, mais j'aurais quelques petites choses à dire au sujet de ce parti et j'y arrive tout de suite. Je cite les paroles que Preston Manning a prononcées le 28 octobre dernier devant le comité de l'autre endroit. Il a dit ceci:

Laissez-moi vous dire pour commencer que je souhaite, ainsi que mes collègues, avoir la possibilité de vous présenter très bientôt un projet de réforme des pensions autre que celui que viennent d'exposer les ministres.

Il parlait des ministres Martin et Pettigrew.

 

Cette solution de rechange, sur laquelle nous aimerions que le comité se penche, s'appuie sur quatre piliers et non pas sur trois: la prestation pour personnes âgées, qui s'adresse aux catégories à faible revenu; un RPC réduit, plus spécialisé, et non pas un RPC démembré [...]
C'est un grand changement par rapport à la dernière campagne électorale.

 

[...] un programme de REER élargi; enfin, des allégements fiscaux pour les personnes âgées. Nous soutenons que les quatre piliers de notre régime permettront de dégager un meilleur revenu de retraite par dollar investi que le régime à trois piliers proposé par le gouvernement.
Je crois que j'ai expliqué certaines des idées venant du gouvernement. Le Parti réformiste a dit dans le passé qu'il voulait abolir le RPC. Cette idée pose cependant un problème parce que, si on abolit le RPC, on se retrouve avec ce qu'on appelle un passif non capitalisé, ce qui a créé une certaine confusion ici hier. Le passif de 600 milliards de dollars ne serait pas capitalisé si nous cessions tous de verser des cotisations au RPC, mais tous les engagements devraient être respectés. C'est ce que les réformistes ont proposé tout au long de la campagne électorale et durant les quatre années précédentes. Ils ont cependant changé d'idée. Ils veulent maintenant un plus petit RPC.

Toutefois, Preston Manning n'a jamais pu expliquer le premier programme. Il allait abolir le RPC. Lorsqu'on lui a demandé comment il paierait les 600 milliards, il a répondu qu'ils émettraient des obligations. Personne n'a compris ce à quoi devaient servir les obligations et comment elles aideraient à résoudre le problème, mais il a parlé d'obligations - des obligations d'une valeur totale de 600 milliards de dollars que les gens pourraient acheter et se faire rembourser ensuite à l'âge de 65 ans. Une vraie monnaie de singe. Maintenant, les réformistes ont une idée pour le RPC qu'ils voulaient expliquer au ministre en comité. Eh bien, on n'a jamais entendu ces explications. Preston Manning, qui avait promis d'expliquer son programme avant que les séances du comité ne prennent fin à l'autre endroit, n'a jamais tenu sa promesse. Je peux comprendre pourquoi.

Les réformistes font de fausses accusations à la Chambre au sujet de diverses personnes. C'est le programme réformiste typique auquel nous sommes habitués. Ils sont perdus dans la brume, même si je ne crois pas qu'ils voudraient être décrits de cette façon.

Maintenant, ils veulent créer un super REER, ce qui n'a pas de sens non plus parce que non seulement cela va à l'encontre de ce qu'ils ont dit en comité et durant la campagne électorale, mais cela ne correspond pas à leur plan fiscal. Vous vous souviendrez qu'ils ont proposé un plan fiscal fondé sur un impôt uniforme. Avec un impôt uniforme, on réduit les exemptions. Et, vous l'aurez deviné, ils voulaient réduire l'exemption relative aux REER, ce qui ne passera évidemment pas non plus. Les réformistes ne nous donnent pas d'idées.

Je me tourne maintenant vers les libéraux.

Le sénateur Gigantès: Faites attention.

Le sénateur Tkachuk: Depuis leur accession au pouvoir, ils ont enlevé 300 millions de dollars de plus en impôts aux personnes âgées en appliquant un critère de revenu au crédit en raison de l'âge. Ils veulent que les Canadiens retirent leurs REER à 69 ans, au lieu de 71 ans comme c'était le cas auparavant. Toutefois, les personnes âgées ne le savent pas, mais ce sera là une autre razzia fiscale énorme - Joyeux Noël, Canada - de la part du gouvernement libéral et de Paul Martin. Ils ont rejeté deux fois des plans visant à accroître la limite des cotisations à un REER afin que les gens puissent mettre de l'argent de côté pour leur avenir, étant donné que le gouvernement ne subviendra pas à leurs besoins.

Le projet de loi C-2 crée une prestation pour aînés qui remplacera la déduction fiscale en raison de l'âge et le crédit de taxe pour revenus de pension, lesquels seront abolis. Cela posera un problème énorme aux Canadiens.

Selon l'Association canadienne des individus retraités, jusqu'à 80 000 Canadiens pourraient ne pas convertir leurs REER à temps. Où sont les grands programmes d'information que le gouvernement canadien met habituellement en branle lorsqu'il veut vraiment faire connaître les mesures qu'il adopte? Le gouvernement ne veut pas que ce programme-ci soit connu. Il veut le glisser en douceur, tout comme le projet de loi à l'étude, pour que les gens n'aient pas le temps de prendre les bonnes décisions financières et s'exposent ainsi à une ponction fiscale énorme pour l'année 1997. C'est ce que veut Paul Martin, afin de pouvoir se vanter, dans son discours du budget de février prochain, d'avoir éliminé le déficit, aux dépens des chômeurs, des personnes âgées et des jeunes qui devront verser 400 millions de dollars dans le nouveau régime de pensions.

Le sénateur Gigantès: C'est parce que vous n'avez rien fait pour éliminer le déficit au cours des neuf années où vous avez formé le gouvernement.

(1540)

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas vrai. Le ministre des Finances avait rencontré les premiers ministres provinciaux, des libéraux pour la plupart, mais il avait été incapable de conclure une entente. La seule raison pour laquelle le gouvernement fédéral s'attaque maintenant à la situation, c'est que le ministre des Finances de l'époque, M. Michael Wilson, avait conclu une entente qui avait créé une certaine situation. Il existe une expression juridique pour désigner quelqu'un qui se trouve dans une situation d'où il ne peut pas se libérer mais doit prendre une décision. C'est la raison pour laquelle un accord a été conclu. Nous avons tenté de le faire en 1986.

Le sénateur Gigantès: Et vous avez échoué. Vous n'avez pas réussi.

Le sénateur Tkachuk: Parce que les libéraux refusaient d'accorder leur appui. Je défendrai mon gouvernement tout comme l'honorable sénateur défendra le sien.

Je ne m'attarderai pas trop à la question de la Sécurité de la vieillesse parce que d'autres sénateurs veulent en parler au cours des deux prochaines semaines. Peut-être pourrons-nous le faire au cours de la prochaine année, du moins je l'espère.

Je regrette, honorables sénateurs, je ne m'y retrouve pas.

Le sénateur Gigantès: Vous lisez le mauvais texte.

Le sénateur Taylor: De toute évidence, l'honorable sénateur n'a pas de notes.

Le sénateur Tkachuk: Je crois que je commence à irriter les honorables sénateurs d'en face.

L'honorable sénateur Kirby m'a dit que les sénateurs d'en face ne feraient intervenir qu'un seul orateur sur cette question. Je crains qu'il n'y en ait davantage une fois que moi-même et d'autres sénateurs aurons mis en évidence certaines des lacunes du projet de loi C-2.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un programme de pension mais d'une charge sociale! Dans le passé, les provinces pouvaient faire des emprunts à peu de frais sur le régime et le nouveau régime, qui contiendra au départ 100 milliards de dollars, en comptera 1 000 milliards à plus ou moins longue échéance. Le Parlement n'aura pas droit de regard sur le régime, si bien que les ministres des Finances des futurs gouvernements, quels qu'ils soient, pourront tripatouiller le fonds, l'utiliser à des fins de développement économique et menacer l'avenir des pensions des futurs Canadiens. Nous ne devons pas permettre que cela se produise. Le régime de pensions sera géré par un groupe restreint de personnes qui n'auront de comptes à rendre à personne et pas davantage au Parlement.

Honorables sénateurs, ce n'est pas nous qui paierons pour cela. Nous serons partis depuis longtemps d'ici à ce que les jeunes qui commencent aujourd'hui et qui s'attendent à recevoir une pension dans leurs vieux jours récoltent les bénéfices de ce que nous faisons aujourd'hui.

Je ne comprends pas pourquoi les honorables sénateurs de ce côté-ci de la Chambre et d'en face veulent accélérer l'adoption de ce projet de loi. Qu'y a-t-il qui les intéresse là-dedans? Qu'y a-t-il qui intéresse le ministre des Finances? Que comporte ce projet de loi qui puisse pousser quiconque à précipiter son adoption avant le 19 décembre? Je ne vois aucune explication raisonnable, et je suis sûr que mes collègues n'en ont pas donné non plus, mis à part le cabinet du premier ministre, M. Goldenberg et M. Martin, qui nous demandent de faire en sorte qu'il soit adopté d'ici le 19 décembre. Ils nous disent de ne pas penser aux conséquences, parce qu'ils ont raison d'agir ainsi. Comment savons-nous qu'ils ont raison? Pourquoi ne pas prendre notre temps, honorables sénateurs?

Le sénateur Gigantès: Maintenant que nous vous avons entendu, nous savons qu'ils ont raison.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi ne pas prendre le temps...

Le sénateur Gigantès: Et la peine?

Le sénateur Tkachuk: ...et la peine de faire notre travail correctement? Je sais que cette perspective n'est pas très excitante, mais ainsi, dans trois ou quatre mois, nous aurions un Régime de pensions du Canada dont nous pourrions être fiers, que nous pourrions léguer à nos enfants en leur disant que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour leur offrir, à un coût raisonnable, un régime de pensions qui leur assurera des prestations après 65 ans. C'est ce que nous devons pouvoir leur dire à Noël, quand nous retournerons chez nous, et non simplement que nous avons adopté le projet de loi.

[Français]

(1540)

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je ne reviendrai pas sur les points très importants que mon collègue a soulevés concernant l'espèce d'inégalité intergénérationnelle qui se pose dans ce projet de loi. Je voudrais aborder d'autres aspects du problème.

Le gouvernement se propose, honorables sénateurs, d'amender le régime de pensions du Canada. J'aurais trouvé opportun qu'à cette occasion, on se questionne sur tous les aspects majeurs du régime. On l'a fait pour quelques facettes importantes comme sa survie, sa gestion et son rendement. J'aurai des choses à dire là-dessus tantôt.

Mais on a oublié le point le plus fondamental: sa portée. Doit-il être obligatoire ou volontaire, du point de vue des participants? C'est là, me semble-t-il, une question importante à considérer. En vertu de quoi, par exemple, si je ne veux pas contribuer et que je préfère assurer ma sécurité financière moi-même, devrais-je être obligé par la loi, même si je suis prêt à envoyer au gouvernement un document signé le délestant de toute responsabilité à mon égard, en vertu de quoi devrais-je, dis-je, être obligé de participer au régime? Pourquoi doit-il être obligatoire pour tous de cotiser à un régime dont les placements seront faits par d'autres, par des fonctionnaires?

À cette question de base, la réponse du gouvernement est la collectivisation obligatoire. Le postulat est que le gouvernement semble considérer que les citoyens canadiens sont des irresponsables, des ignorants, des imprévoyants et que «big brother knows best in Ottawa».

Or qu'est-ce qu'il a fait, le «big brother» si compétent, depuis 20 ans? Il s'est engagé à donner aux gens des bénéfices de rentes mais il a oublié de prélever ce qui était requis pour ce faire, et ce qu'il a prélevé, il l'a prêté aux provinces à des taux tels qu'aujourd'hui, sans redressement drastique, ce serait la faillite du régime.

Voilà un cas bien classique de «mismanagement» public. D'une part, on donne des biscuits et d'autre part, on oublie d'en percevoir le prix. Et maintenant, on n'apprend rien de cette triste histoire: Ottawa en demande encore plus de tous et il nous affirme qu'il va, cette fois, bien investir l'argent et que cela va être pour le bien futur de tous.

Honorables sénateurs, je préférerais de beaucoup m'occuper de ma vieillesse moi-même, et je connais beaucoup de Canadiens qui aimeraient avoir les mains libres pour disposer de leurs fonds à leur guise.

Beaucoup d'autres aspects du projet de loi demandent un examen sérieux, mais je m'attarderai à un ou deux seulement aujourd'hui.

Le projet de loi prévoit la mise sur pied d'un organisme gouvernemental pour placer les fonds issus des cotisations des participants au régime canadien de pensions.

Cet organisme aura plus ou moins les pouvoirs de la Caisse de dépôt et placement du Québec. La gestion de ces placements sera donc dans les mains d'un monopole gouvernemental comme on l'a fait pour la production et la distribution de l'électricité.

Or, comment évaluer la performance d'un monopole? Connaissez-vous des monopoles qui n'aboutissent pas, à un moment ou un autre, à des dérapages inacceptables? La liste est longue de ces malheureux exemples de gestion laxiste: nous connaissons tous l'histoire des comptes de dépenses extravagants de gens dans le secteur public, qui se croient propriétaires de leurs fonctions; de placements malheureux, comme cela est arrivé dans un organisme comparable à celui que l'on est en train de créer en ce qui concerne l'immobilier, par exemple; d'exploitation des consommateurs; on a connu des monopoles qui ont perçu des tarifs exagérés, car ils étaient seuls en situation de production de service. Nous avons entendu parler d'avantages indus comme une sécurité d'emploi bétonnée aux employés au détriment du public payeur - cela est arrivé dans des entreprises d'État que vous connaissez - soit d'écarts dans les objectifs économiques ou sociaux - cela aussi est arrivé en créant un organisme, en lui attribuant une fonction et, au bout de 15 ans, il fait autre chose, cela se produit et vous le savez tous; de scandales de conflits d'intérêts des dirigeants qui oublient de faire la distinction entre leurs intérêts et l'intérêt public, et cetera.

La liste est encore longue des folies des monopolistes. Toute l'histoire des secteurs publics, ici comme ailleurs, est remplie de ces aventures malheureuses. Je ne vous parlerai pas de ceux de l'Europe de l'Est et du Bloc communiste. Mais au pays et dans des pays comme la France et l'Angleterre et ailleurs, on voit cela continuellement dans l'histoire des 15 ou 20 dernières années.

Vous me direz que ces choses se produisent aussi dans le privé. Bien sûr, mais ici, c'est l'argent de tout le monde qui est en cause, pas des fonds privés.

Voilà pourquoi il faut cerner particulièrement cette proposition d'une nouvelle structure gouvernementale. Je parle de l'Office d'investissement.

Toutes les cotisations seront placées par cet organisme que l'on nomme l'Office d'investissement. Ma première remarque à ce sujet est la suivante: dans une décennie, nous aurons ici une société gouvernementale dont les dirigeants géreront des sommes de l'ordre de 150 milliards de dollars.

Vous rendez-vous compte des pouvoirs qu'auront ces gens? Chaque semaine, chaque lundi matin en ouvrant les portes de la boîte, des millions et des millions de dollars leur arriveront en pleine figure pour fins de placements immédiats. Trois milliards de dollars, ce sont 3 000 millions de dollars. Vous voyez cela, 600 millions de dollars théoriquement chaque jour? Il faut le placer tout de suite, on n'attend pas l'après-midi pour le placer.

Pensez-vous que la grosse machine requise pour opérer cela sera efficace? C'est impossible, honorables sénateurs. Il y aura des pertes d'efficacité, et des pertes d'efficacité, ce sont des pertes d'argent. Ceux qui croient que le «big brother» sera plus fin que la communauté de spécialistes des maisons privées font une grave erreur.

Même dans le secteur privé spécialisé dans ce genre d'opérations, que ce soit chez les gestionnaires de fonds communs de placements ou dans les maisons nationales de courtage, ou dans les fiducies, lorsque le volume devient supérieur à 50 ou 60 millions de dollars, le ratio des rendements n'est pas proportionnel au volume de la masse des fonds sous gestion.

L'entreprise privée sait cela. Il semble qu'il n'y ait que le gouvernement qui ne le sache pas.

Le gros monopole qui sera constitué présente un très haut risque d'inefficacité, de mauvais placements et donc de mauvais rendements. Pourquoi obliger tout le monde à contribuer, à fournir des fonds à un gestionnaire qui fera peut-être moins bien que le propriétaire desdites contributions?

Mon second point, qui est en quelque sorte un corollaire du premier, est que la loi devrait prévoir la création de trois ou quatre fonds comportant des objectifs précis, confiés à des gestionnaires différents, publics ou privés - mais, à mon avis, préférablement privés - avec des indicateurs explicites de performance à atteindre, comme un pourcentage de rendement, de telle sorte que la performance de chaque groupe de gestionnaires de fonds puisse être mesurée. Si l'on juge que certains ne sont pas bons, on les remplace, on bouge.

Nous connaissons les vertus de la concurrence, qui a pour effet d'élever le niveau de performance dans le secteur privé. Ce qui est bon pour le consommateur, pour quelles raisons ce ne serait pas applicable dans ce type particulier de services?

L'analyse de placements ou la décision du choix d'investissement des entreprises est une opération hautement technique, mais également à risques. Voilà pourquoi l'on ne doit pas, en toute sagesse, «placer tous ses oeufs dans le même panier» - selon l'adage bien connu. Ne devrait-on pas utiliser plusieurs paniers de façon à éviter les gigantesques mauvaises décisions?

Si cette diversification de placements est sage, ne devrait-on pas l'institutionnaliser dans la loi et multiplier les centres indépendants de responsabilité en matière de placements?

Mon troisième point concerne les relations du gouvernement, et particulièrement le ministre des Finances et l'agence en question. Il sera toujours tentant d'utiliser ces fonds pour financer les gouvernements, à des taux moindres que si l'argent était placé sur le marché ouvert. En fait, c'est ce que l'on a fait depuis 1966 avec le système actuel. Il faut donc s'assurer que cette sorte de conflit d'intérêts potentiel ne soit pas permis d'aucune façon. Je reviendrai là-dessus.

Mon quatrième point porte sur la politique de placement. La loi devrait prévoir que les administrateurs de la caisse puissent être responsables d'assurer une rente raisonnable aux cotisants, tout en leur permettant d'aller chercher un rendement optimal, c'est-à-dire le plus sûr et le plus rentable possible.

Or, l'économie canadienne équivaut à 2,5 p. 100 de l'économie mondiale. Il est donc sage de permettre à la dite caisse, non seulement de diversifier ses investissements dans des obligations et des actions, mais dans des participations à l'échelle du globe. La diversification des valeurs, dans des instruments variés, dans des secteurs différents et dans plusieurs pays et en diverses monnaies, est donc une mesure de sagesse et de jugement à laisser aux responsables qui devront, bien entendu, répondre de leurs gestes.

Honorables sénateurs, il sera tentant pour les administrateurs, à l'occasion, d'agir comme des investisseurs, en prenant des participations dans des entreprises de toutes sortes où le jugement des investisseurs peut être à la frontière de l'arbitraire et du patronage. Nous avons connu cela à Québec. Des règles strictes doivent être élaborées pour éviter cela, si l'on ne veut pas tomber dans des abus regrettables.

La question des objectifs du plan de pension est fondamentale. À ce propos, il est important d'être clair dans le statut. L'office doit d'abord et avant tout rechercher l'intérêt des cotisants dont la sécurité du revenu dépend en bonne partie de sa performance.

L'histoire de la Caisse de dépôt et placement du Québec mérite, à cet égard, d'être examinée. Au milieu des années 1960, lorsqu'elle fut créée, M. Lesage, premier ministre du Québec à l'époque, avait souligné que c'était un instrument de sécurité sociale. Puis il avait ajouté, sous l'instigation de certains, qu'elle serait aussi un instrument de développement économique, avec ce résultat que peu à peu, on y a changé les patrons qui n'étaient pas assez «dynamiques» aux yeux des dirigeants. Les dirigeants changent avec les années; au début, c'était un cadre qui venait de la compagnie Sun Life, il était prudent et il gérait les fonds comme si c'était l'argent du monde. Ce n'était pas l'argent de M. Caouette, c'était de vraies piastres! Le deuxième dirigeant était aussi un gestionnaire de fonds de placement expérimenté, mais le gouvernement a changé au Québec, puis nous avons eu des gens plus activistes qui voulaient diriger l'économie. C'est là que l'on a dit que les gens de la caisse n'étaient pas assez dynamiques et qu'il fallait changer ces gens-là. C'est ce qu'on a fait. C'est ainsi qu'un des sous-ministres des Finances est devenu président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, alors que le ministre des Finances, M. Parizeau, était très influent dans le cabinet de M. René Lévesque à l'époque. Tant et si bien que beaucoup de questions ont été soulevées par des industriels de la province de Québec et d'autres, relatives aux orientations de la caisse sur la gestion de la caisse, sous sa direction.

Vous connaissez le danger arbitraire dans le choix des entreprises dans lesquelles l'office pourra prendra des participations. Bien sûr, on en limite le ratio, mais chacun sait que dans les grandes entreprises d'aujourd'hui, le pourcentage requis de propriété pour diriger est relativement minime. À quel exercice de tordage de bras cela nous conduira-t-il? Quand on collectivise une activité, on la politise. C'est ce que nous faisons ici, indépendamment des précautions visées pour garantir l'indépendance des membres de l'office vis-à-vis du gouvernement. Et même si l'on nous dit qu'ils seront en dehors du gouvernement et que le gouvernement n'aura pas à s'en mêler, il ne faut pas rêver en couleur.

Je voudrais maintenant aborder un aspect important du projet, à savoir les effets du plan sur les deux piliers de la sécurité du revenu, dont nous a parlé le sénateur Kirby. La proportion de 25 ou 30 p. 100, en fait 22 milliards de dollars par année, sont versés pour les pensions de vieillesse. Nous avons 80 milliards de dollars d'épargnes annuelles, c'est-à-dire 10 p. 100 du produit national brut, qui sont utilisés pour des fins de sécurité du revenu, 22 milliards de dollars en pensions de vieillesse, 23 milliards de dollars qui proviennent du fonds de pension du Canada et 30 ou 35 milliards de dollars qui proviennent des régimes privés. Ces montants sont appelés à diminuer par rapport aux autres montants, c'est-à-dire que sur ce 80 p. 100, la proportion va changer; la proportion attribuable aux pensions de vieillesse va être appelée à diminuer tranquillement.

Les régimes de pension privés devraient demeurer stables dans l'avenir ou diminuer, tout dépendant des décisions que l'on va prendre. Les contributions vont être relevées de 70 p. 100 d'ici cinq ou sept ans. Donc, il y aura une ponction fiscale importante, alors que va-t-il arriver aux régimes privés de pension? Je suis d'avis que cela restera stable, mais cela peut diminuer aussi si cette croissance n'est pas contrebalancée par une diminution de l'impôt sur le revenu, par exemple.

Quant aux REER, ils sont appelés à diminuer si les cotisations à l'assurance-emploi et les impôts ne baissent pas.

Nous assisterons donc vraisemblablement, à mon avis, à une diminution des épargnes privées et à un accroissement des épargnes publiques. Est-ce une bonne chose d'accroître le rôle de l'État? C'est ce que l'on fait ici. Je pose la question à savoir de quelle façon cela peut être avantageux pour un pays, d'accroître l'épargne publique et de diminuer l'épargne privée. Cela sous-entend que lorsque c'est du domaine public, l'argent sera mieux investi que lorsque les particuliers le font dans le secteur privé. Qui peut imaginer que cela a du sens de penser comme cela?

Dans le passé, qu'est-ce qui s'est produit? Peut-on dire que le gouvernement a fait preuve de plus de prudence que les individus dans sa gestion des fonds? Prenons l'exemple du fonds canadien de pension, qui a débuté en 1966. À cette époque, c'était beau, sauf que l'on a donné des bénéfices et que l'on a oublié de demander des cotisations aux gens et aujourd'hui, rien ne va plus, on est en faillite. Je ne blâme pas un gouvernement plus que l'autre, mais les comportements du secteur public sont souvent ainsi. Je constate simplement que cela se passe ainsi depuis 40 ans.

Le gouvernement a-t-il fait preuve de plus de perspicacité dans la gestion des placements en entreprises? Regardez les résultats des sociétés d'État! La conclusion que l'on peut en tirer, que ce soit pour Air Canada, le CN ou Canadair, c'est que les entreprises ont prospéré après leur privatisation. Autrement dit, la bonne gestion a commencé quand le gouvernement n'était plus impliqué.

Donc, avant d'accroître la gestion publique des fonds, je suis d'avis qu'il faut être prudent. Il faut être prudent avant de transférer l'argent du secteur privé au secteur public.

Je me tourne maintenant vers la question de l'impact du plan sur les emplois.

(1600)

Son Honneur le Président: Votre période de 15 minutes est terminée. La permission de continuer est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, nous accroîtrons le coût des emplois pour les entreprises et le prix du travail pour les individus, cela est clair. Comment cela peut-il être positif pour la création d'emplois puisque l'on ajoute une taxe sur la masse salariale? Je voudrais que l'on me réponde, c'est une bonne question.

Un autre point d'interrogation concerne la concurrence interprovinciale prévisible. Il est évident que les provinces qui bénéficiaient de taux préférentiels auprès du fonds fédéral paieront à l'avenir le taux du marché. Elles vont emprunter du fonds, mais elles vont payer plus cher. Donc, leur service de dette sera augmenté et ainsi, le budget de chaque province sera gonflé.

Au plan des placements dans les entreprises, les populations des provinces accepteront-elles que leurs épargnes servent les entreprises des autres provinces au détriment des leurs? Les gouvernements provinciaux seront-ils tentés d'influencer l'Office d'investissement dans le sens de leurs intérêts? Cela m'amène à poser une question importante: où sont les règles d'éthique qui garantiront l'indépendance des administrateurs?

J'ai dit il y a un moment que lorsque l'on crée une agence gouvernementale, un office public, on politise l'objet avec les dangers de dérapage inhérents au processus politique.

La prise de participation dans des entreprises, avec des sommes aussi énormes, ne pourra pas être restreinte à quelques entreprises majeures - le marché canadien n'est pas si vaste - mais s'étendra à une multitude d'entreprises moyennes. L'argent disponible sera si considérable que cela signifiera des participations dans des centaines d'entreprises moyennes. Au Québec, par exemple, si ma mémoire est exacte, dans le dernier rapport de la Caisse de dépôt, il y a des participations dans presque 800 entreprises québécoises.

Or, comment choisir et suivre 800 entreprises? Arbitraire et patronage risquent de se produire.

Au surplus, l'office sera partout et fixera inévitablement des conditions. Les entreprises devront baisser la tête comme les provinces vis-à-vis Ottawa au temps des subventions conditionnelles, vous vous rappelez de cette période. Cette concentration du pouvoir, cette centralisation sera malsaine. Avec 40 milliards de dollars, le fédéral faisait fonctionner les gouvernements provinciaux; avec 150 milliards de dollars, l'office sera trois fois plus fort et fera marcher les entreprises. Je crains cette technocratie et les effets pervers qu'elle entraînerait. J'espère qu'un jour, nous n'aurons pas à déplorer des manoeuvres pires que celles de M. Sorros.

Les règlements relatifs aux placements et à la conduite des administrateurs ne sont pas connus. Ils ne sont pas prêts. Quelles seront les balises pour guider les administrateurs? Une revue parlementaire s'impose donc avant leur mise en vigueur.

En terminant, je voudrais dire au gouvernement que l'alternative préférable à son projet, ce serait simplement d'obliger toutes les personnes actives au Canada à placer un certain pourcentage de leurs épargnes dans des fonds de sous-gestion privée, quitte à réserver au gouvernement son rôle de pourvoir au filet de sécurité pour réchapper ceux qui n'ont pas su garantir leur revenu pour leur vieillesse.

Voilà une réponse intelligente au défi qui nous confronte. Mais il est regrettable, en cette ère d'État-providence, que l'on préfère faire des règles de portée générale applicables à tous pour régler les problèmes de quelques-uns.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Vous parlez avec admiration de la gestion d'investissement privée. Comment expliquez-vous le désastre de Olympia & York, par exemple, sous la gestion de M. Eyton, notre collègue, et le fait que de grands noms comme M. Conrad Black ont fermé Dominion Stores et pris l'argent que les employés de Dominion Stores avaient déposé dans un fonds de pension, un fond que les employés n'ont jamais touché? Vous nous dites que le secteur privé va être plus généreux et plus sage que la Caisse de dépôt au Québec?

Le sénateur Bolduc: Je n'ai pas dit qu'il ne se produisait pas de dégâts dans l'entreprise privée. J'en ai perdu de l'argent, il n'y a rien là.

Le sénateur Gigantès: Il n'y a rien là si vous avez trois millions de dollars, oui, mais il y a beaucoup là si vous perdez, disons, 35 000 $ ou 70 000 $ et que c'est tout ce que vous avez. Pour vous, ce n'est pas grave, mais pour les petits investisseurs, c'est grave.

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, je n'ai jamais dit qu'il n'y aura pas de dégâts dans le système privé. Il y en tous les jours. Mais c'est le secteur privé. Je l'ai perdu, mon argent. Ce n'est pas le public qui l'a perdu. Tandis qu'avec ce projet de loi, vous donnez un pouvoir énorme, une concentration énorme de pouvoirs à quelques personnes sur l'argent de tous les Canadiens, et particulièrement l'argent des pauvres. Je peux vous dire que c'est grave parce que l'on ne sait pas combien de temps cela va durer. En deuxième lecture, les projets de loi sont toujours beaux. J'en ai vu suffisamment pendant 40 ans. Les ministres nous promettent des miracles avec leurs projets de loi. On se réveille trois ans après et on regarde le résultat et ce n'est pas du tout ce qui s'est produit. Le discours du ministre n'a plus du tout le même impact après trois ans.

Quant à l'entreprise privée, je ne vous dis pas que tout est géré d'une façon parfaite. Mais je veux vous dire que c'est l'argent privé des gens, ce n'est pas l'argent du public. Personne n'est obligé de mettre de l'argent dans le Royal Trust.

Le sénateur Gigantès: Le public est composé d'individus. Les individus sont des personnes privées. Ils investiraient selon ce système dans quelque chose qui ne fera peut-être pas de gros bénéfices, mais qui ne connaîtra pas les désastres de l'industrie privée.

Le sénateur Bolduc: C'est une question de choix. Là, c'est obligatoire, que vous aimiez cela ou non. Autrement, si vous décidez de placer votre argent, vous faites votre choix et vous pouvez vous faire baiser.

Le sénateur Gigantès: Avec un service comme celui que l'on propose, il y aura au moins quelque chose. Un Trevor Eyton ne pourra pas le dilapider, un Conrad Black ne pourra pas vous l'enlever, Olympia & York ne pourra pas vous l'enlever.

Le sénateur Bolduc: Je ne veux pas répondre à des questions qui concernent des cas particuliers parce que je trouve cela indécent.

[Traduction]

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur qui vient de parler a des trésors d'expérience à partager avec cette Chambre. Il a été l'un des mandarins de l'administration québécoise et a occupé un poste très élevé au sein du gouvernement québécois. Son expérience est à la disposition de notre forum.

Je préférerais poser cette question à un sénateur libéral, mais personne ne veut plus en parler. Je vais donc la poser au sénateur Bolduc.

Il s'agit d'une question que j'ai posée hier au sénateur Kirby. C'est une question de responsabilité. En théorie, il se peut que ce fonds soit un jour plus important que tout le budget fédéral. Nous en confions pourtant la responsabilité à un groupe de 12 personnes.

Le sénateur Bolduc convient-il, comme l'a fait le sénateur Kirby, que les comités de la Chambre et du Sénat devaient pouvoir examiner ces 12 personnes qui constitueront le conseil d'administration avant qu'elles n'accèdent à cette puissante charge qui implique beaucoup de pouvoir mais également une grande responsabilité?

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, je trouve que c'est une très bonne question. À mon avis, la réponse devait être sans aucun doute, oui. Dans le projet de loi, une chose est fort acceptable. Le vérificateur général va pouvoir étudier la gestion de l'Office d'investissement. Par conséquent, à travers la vérification, il y aura un certain processus comptable. Il y a 85 ou 90 organismes gouvernementaux différents, selon le rapport de M. Massé, à ce sujet. Tout cela est bien intéressant, mais il n'y en a pas un qui aura l'importance de celui dont on parle. On parle de 150 milliards de dollars. C'est énorme. On parle d'un montant annuel de l'ordre de 15 à 20 p. 100 du produit national brut du Canada. C'est énorme! Je suis d'avis qu'il faut s'assurer qu'on ait un régime comptable et une des façons de faire cela requiert l'implication des parlementaires à la rédaction du rapport du vérificateur; à mon avis, il faudrait un amendement dans ce sens pour garantir cela.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais poser une brève question au sénateur Bolduc. La Caisse de dépôt est à mon avis la caisse de retraite la plus puissante au Canada. Quelles sont, en matière de reddition de comptes, les obligations de cette caisse à l'égard des Canadiens?

Le sénateur Bolduc: Elle en a peu pour ce qui est des Canadiens. C'est une question qui a été examinée à plusieurs reprises à Québec. Pour la première fois l'an dernier, les responsables de la Caisse de dépôt ont comparu devant un comité parlementaire. C'est très important. Par exemple, trois ou quatre jours vont être consacrés à Québec à l'examen des plans d'Hydro-Québec. Or, Hydro-Québec, ce n'est rien par rapport à cette énorme caisse. C'est une question sérieuse.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je ne mets pas en doute la question de la reddition des comptes. La question est de savoir s'il vaut mieux, pour être sûr des personnes qui gèrent ces caisses, passer par un processus public, journaux et médias, ou bien laisser au gouvernement - qui, indirectement doit rendre des comptes - le soin de nommer ces personnes et de faire en sorte qu'elles soient tenues de rendre des comptes à un comité parlementaire.

Le sénateur Bolduc: Rendre des comptes, ce n'est pas la meilleure solution. Ce n'est pas parfait, mais il y aura un comité parlementaire qui devra assumer ses responsabilités. À mon avis, c'est mieux que rien, mais ce n'est pas l'idéal.

Je suis à peu près sûr que la pure et simple reddition de comptes telle que nous l'entendons est pratiquement impossible. Ma réponse à cela est: multipliez les caisses. Que ces caisses soient gérées par différentes personnes de façon à permettre une certaine évaluation, une certaine comparaison et une certaine diversification.

[Français]

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, c'est justement là-dessus que je désirais une précision. Est-ce que vous recommandez que le fonds soit divisé en quatre parties de 25 milliard de dollars et que «X» firmes administrent la totalité de cette portion de 25 milliards? Ou est-ce que vous recommandez qu'une firme soit responsable d'un secteur, par exemple le secteur immobilier et une autre firme responsable d'un autre secteur?

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, à mon avis, cela peut être par secteur, mais je serais porté à penser plutôt que l'ensemble devrait être divisé en quatre parties et contenir une variété de placements. C'est sûr que certains pourraient se spécialiser dans le secteur immobilier, mais à prime abord, je n'ai pas fouillé davantage cette histoire parce qu'à Québec, on n'a qu'une caisse, mais il me semble que cela pourrait être quatre fonds gérés indépendamment l'un de l'autre, et on verra le résultat. Autrement, si vous avez un bloc 25 ou 30 milliards de dollars dans l'immeuble, vous savez ce que cela veut dire. Nous parlions plus tôt des frères Reichmann. On sait ce qui est arrivé; cela ne prend pas trois ou quatre faillites comme cela par année pour affaiblir pas mal de monde.

Le sénateur Meighen: Si ma mémoire est bonne, le sénateur Eyton n'avait rien à faire avec les déboires des frères Reichmann et de leur fonds de pension, mais de toute façon, c'est une autre paire de manches. Vous avez parlé d'une décentralisation des centres décisionnels, si j'ai bien compris. Voyez-vous un avantage à ce que les centres décisionnels, par exemple la firme qui s'occupe de la portion de 25 milliards, se trouvent dans des régions différentes du pays?

Le sénateur Bolduc: Au Québec, quand le problème s'est posé à l'occasion du Régime des rentes en 1966, nous avons insisté pour avoir notre propre régime. Je ne dis pas qu'il faille étendre cela au reste du Canada, ce n'est pas mon raisonnement. Mais au Québec, en ce temps-là, M. Jean Lesage avait mentionné que ce fonds devait servir à assurer la sécurité sociale des gens. Je m'en souviens très bien. On avait donc vu cela comme une mesure sociale à l'époque, et c'est pour cette raison que le Québec y tenait. Les revendications traditionnelles du gouvernement québécois ont toujours été vers une certaine décentralisation de la politique sociale, parce qu'elle est liée à la culture et aux mentalités; on disait alors que l'éducation, la santé et les affaires sociales, nous voulions nous en occuper nous-mêmes au Québec car notre culture était un peu différente de celle du reste du Canada. C'est pour cela que l'on s'est battu pour la Caisse de dépôt et placement à l'époque.

Je ne dis pas que cela devrait être généralisé et étendu à l'Ontario ou ailleurs, car il se poserait peut-être des problèmes auxquels je n'ai pas réfléchi suffisamment pour l'instant. Il est sûr que pour certaines provinces, ce serait peut-être plus difficile. Je n'exclus cependant pas l'idée que les politiciens provinciaux vont faire des pressions sur cet organisme, de façon à ce que, dans les prises de participation, l'on encourage les gens de chacune des régions. Dans quelle mesure va-t-on passer à côté des règles d'éthique et de conflits d'intérêts? Je peux vous dire, pour l'avoir déjà vécu, que cela va être compliqué.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'aimerais prendre part au débat sur le projet de loi C-2 concernant le Régime de pensions du Canada.

Si vous le permettez, j'aimerais revenir sur ce que le sénateur précédent a dit du Chili, où le taux des cotisations a grimpé à 10 p. 100 et où le régime de pensions est privatisé à 90 p. 100. Voici l'histoire, telle que racontée par un ancien ministre des Finances comparaissant devant un comité sénatorial, à Washington aux États-Unis. Il a dit au comité qu'ils avaient discuté du régime de pensions avec la population et qu'il avait pris la parole à la télévision tous les mois pour expliquer à la population ce qui se produisait à chaque étape du développement du régime. Les gens ont donc appris à connaître le régime peu à peu, une partie à la fois. Ils ont reçu de l'information qu'ils pouvaient comprendre.

À la fin de chaque entrevue télévisée, le ministre des Finances disait toujours que si l'on n'aimait pas le régime de pensions du secteur privé, on pouvait conserver celui du secteur public. Il a répété cela pendant des mois, jusqu'au moment où la population a dû choisir entre les deux régimes de pensions.

Au cours des six premières semaines, 25 p. 100 de la population a choisi le régime privé. Aujourd'hui, 90 p. 100 de la population est inscrite au régime de pensions du secteur privé et celui-ci prospère. Malgré la crise du peso mexicain, qui a touché aussi le pays voisin, le marché boursier a survécu et, en fait, il va bien. Les investisseurs obtiennent de bons rendements.

Il y a deux leçons à tirer de cet exemple. D'abord, un plan de communications de la part du gouvernement peut vendre un régime fondamentalement valable; ensuite, un régime de pensions privé peut être efficace.

Honorables sénateurs, nous aurons un régime de pensions privé au Canada d'ici dix ans parce que tous ces jeunes de la «génération X» l'exigeront. La génération de l'excès, comme on nous définit vous et moi dans l'article, n'aura rien à dire.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut qu'il y ait un plan de communication.

(1620)

Ce projet de loi est considéré par beaucoup de personnes comme rien de plus qu'une autre ponction fiscale de la part du gouvernement libéral, une ponction de l'ordre de 100 milliards de dollars. Imaginez proposer un projet de loi de cette ampleur sans donner aux Canadiens la possibilité de dire un mot sur ces énormes modifications à leur régime de retraite, des modifications qui vont radicalement changer les trois piliers de notre système: la SV, le SRG et le RPC.

Comme je le disais dans une question au leader du gouvernement au Sénat, le 30 octobre:

Ma question a trait non pas aux modifications proposées au Régime de pensions du Canada, mais plutôt aux efforts que le gouvernement entend déployer pour convaincre les Canadiens du bien-fondé des modifications. Le ministre peut-il nous dire combien le gouvernement a dépensé, et combien il dépensera dans un proche avenir, pour les communications concernant le Régime de pensions du Canada, y compris les sondages, les groupes cibles, les communications, les avis, la stratégie et la publicité?

En dehors du fait qu'il y avait un numéro 1-800 que les gens pouvaient appeler, je n'ai reçu aucune réponse. C'est ce que le gouvernement considère comme une communication suffisante pour que les Canadiens comprennent ce qui se passe. C'est une farce. Pour moi, ce n'est pas le comportement d'un gouvernement responsable. Pouvez-vous imaginer un premier ministre qui se dit un homme du peuple, un homme résolu à changer la façon dont le gouvernement fonctionne, un homme qui, maintenant, impose des modifications énormes à notre régime de pensions sans informer le public de ce que le gouvernement veut faire et sans lui permettre de participer?

Honorables sénateurs, je me reporte aux questions posées ici au cours des derniers mois, des questions au sujet des taxes et des impôts toujours plus élevés que le gouvernement impose à tous les travailleurs canadiens. Par exemple, le 1er octobre, le sénateur Michael Meighen posait cette question:

Ma question a trait aux cotisations à l'assurance-emploi. Étant donné que, selon les meilleures estimations, le compte affichera un surplus de 16 milliards de dollars pour l'exercice en cours, le leader du gouvernement pourrait-il nous expliquer pourquoi le ministre des Finances refuse d'envisager une réduction du taux de cotisation [...]

Et il disait plus loin:

Honorables sénateurs, on pense ici à la remarque de C.D. Howe: «Qu'est-ce qu'un milliard?» Dire qu'il convient de se réjouir que la cotisation ne soit pas passée de 2,80 à 3,20 $, c'est un peu comme dire que le leader du gouvernement devrait être ravi à la pensée que je vais lui donner trois coups sur la tête au lieu de dix.

À mon avis, les cotisations d'assurance-emploi ne devraient pas être une arme importante pour lutter contre le déficit ou la dette [...]

Le leader du gouvernement au Sénat s'engagera-t-il à déposer l'information produite par l'actuaire en chef selon laquelle il serait prudent d'accumuler un excédent de 15 milliards de dollars, ce qui, si je ne m'abuse, se traduirait par un taux de chômage prévu de 10 à 15 p. 100? Le gouvernement sait peut-être quelque chose que le reste du monde ignore.

Honorables sénateurs, nous accumulons cet énorme excédent et nous augmentons les cotisations du Régime de pensions du Canada, autrement dit nous obligeons les Canadiens à payer un double impôt. Vous affirmez que le Régime de pensions du Canada n'est pas un impôt, mais ce n'est pas ainsi que nos enfants le voient. Pour eux, il s'agit d'un impôt parce que vous forcez leur génération à payer pour la retraite de notre génération. Quoi que vous en disiez, il s'agit bel et bien d'un impôt.

Le 23 octobre, j'ai posé la question suivante:

Honorables sénateurs, je tiens à poser une question par suite de la réponse que le leader du gouvernement a faite à la question que le sénateur Meighen a posée le 1er octobre au sujet des cotisations à l'assurance-emploi. Le leader a déclaré qu'une réduction des cotisations de l'assurance-emploi représenterait un manque à gagner de quelque 4,2 milliards de dollars pour le gouvernement. Je lui ferai remarquer que le manque à gagner serait de 25 à 50 p. 100 moindre puisque des recettes accrues découleraient des emplois et des investissements qui seraient engendrées par une réduction des cotisations.

Quoi qu'il en soit, le leader se rappellera sans doute que, en 1995, le ministre des Finances avait fait savoir que lorsque l'excédent de l'assurance-emploi atteindrait 5 milliards de dollars, on ramènerait les cotisations au seuil de rentabilité, car l'excédent suffirait alors à affronter une récession équivalente à celle de 1990.

En conséquence, le leader du gouvernement nous dira-t-il pourquoi le gouvernement accumule un excédent de 7 milliards de dollars dans le fonds au cours de cette année civile, un excédent qui atteindra 13 milliards de dollars le 31 décembre et 15 ou 16 milliards de dollars à la fin de l'exercice financier, soit le 31 mars 1998? Le leader du gouvernement nous dira-t-il aujourd'hui si les 8 à 11 milliards en sus des 5 milliards prévus visent à affronter une récession future d'une durée de deux à trois ans et un taux de chômage de 11 à 12 p. 100 ou s'il s'agit simplement d'une surtaxe sur les emplois déguisée en cotisations élevées à l'assurance-emploi qu'on se propose d'utiliser pour réduire le déficit?

Je crains que les jeunes ne s'attendent pas, lorsqu'ils atteindront l'âge de la retraite, à recevoir un seul cent du Régime de pensions du Canada. Mes enfants n'y croient pas et je crois savoir que ceux du sénateur Tkachuk n'y croient pas non plus. Si c'est ce que pensent nos enfants, il doit y avoir bien des gens qui pensent comme eux. Le gouvernement n'a-t-il pas la responsabilité de dire aux jeunes que dans cinq ou dix ans le fonds sera en bon état? Je suis sûr qu'il tente de le faire mais, d'une façon ou d'une autre, le message ne se rend pas. C'est pourquoi, lorsque le projet de loi nous est soumis, nous ouvrons une boîte de Pandore.

Je ne crois pas que les Canadiens soient conscients de ce qui se passe ici aujourd'hui ou des conséquences qu'aura le projet de loi. Il aura un effet multiplicateur. Non seulement touchons-nous au Régime de pensions du Canada, mais nous traitons aussi de la modernisation d'autres volets du régime de prestations de retraite, notamment le Supplément de revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse. Lorsqu'ils considéreront tout cela d'un bloc, les Canadiens et en particulier les jeunes diront que c'est assez. On ne peut pas utiliser des primes d'assurance-emploi élevées ou une lourde imposition par le biais des cotisations d'assurance-emploi pour réduire le déficit, puis augmenter les taux de cotisation au Régime de pensions du Canada et modifier ensuite la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti à un point tel que les gens reçoivent des prestations réduites, car tout cela frappe la même génération. Vous avez acheté les personnes âgées et vous faites payer les jeunes. Ils ne l'oublieront pas.

Le 30 octobre, le sénateur Tkachuk a posé la question suivante:

Le gouvernement compte inclure dans la réforme un gel du montant de 3 500 $ en dessous duquel les travailleurs et leurs employeurs ne versent pas de contributions au RPC. Bien que l'effet de cette mesure soit limité au début, à la longue l'inflation rendra cette exemption moins attrayante. Selon les propres chiffres du gouvernement, l'incidence à long terme de cette mesure sur le revenu sera équivalente à une cotisation sociale de 1,4 p. 100. Compte tenu de leur revenu global, les personnes les plus touchées par ce gel seront, d'une façon générale, celles ayant une faible revenu, soit principalement les travailleurs à temps partiel et les étudiants.

Pourquoi le gouvernement essaie-t-il de corriger le RPC en s'en prenant tout particulièrement à ceux qui ont le moins les moyens d'en faire les frais?...

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il convaincre son collègue le ministre des Finances de demander à ses fonctionnaires de fournir des données illustrant l'incidence du gel du seuil d'exemption pour différentes fourchettes de revenu?

Par exemple, les données pourraient-elles être établies de façon à montrer combien d'argent le gouvernement gagnera grâce au gel dans le cas des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté et combien il économisera dans le cas de celles qui vivent au-dessus de ce seuil?

Autrement dit, c'est et ce sera perçu comme un autre impôt.

Le 5 novembre, le sénateur Oliver a dit ce qui suit:

 

Le régime de retraite canadien est fondé sur trois piliers: premièrement, un niveau minimum de revenu de retraite tiré des recettes fiscales, comme c'est le cas avec la SV et le SRG; deuxièmement, une pension universelle basée sur l'emploi essentiellement conçue pour remplacer 25 p. 100 du revenu gagné, jusqu'à concurrence du salaire industriel moyen établi aux fins du Régime de pensions du Canada; troisièmement, des épargnes de retraite volontaires avec reports d'impôt en tant qu'incitatifs, comme dans le cas des REER.
Le gouvernement libéral a choisi de diminuer les bénéfices du premier pilier en vertu du nouveau programme de prestations aux personnes âgées; de hausser les cotisations et de réduire les prestations du deuxième pilier, le RPC; enfin, de réduire les incitatifs fiscaux du troisième pilier en modifiant les conditions et en réduisant l'âge d'encaissement des REER. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer en quoi une réduction des bénéfices et une hausse des cotisations assureront une meilleure retraite aux Canadiens?

En fait, ce que le gouvernement est en train de faire revient à imposer un nouvel impôt, non? Il réduit les prestations que recevront les gens qui cotisent au régime depuis très longtemps, depuis la création du Régime de pensions du Canada.

Les États-Unis ont choisi une autre voie. Ils retardent l'âge de la retraite qui sera maintenant de 67 ans, je crois, sur une période de 24 mois. Ils la retardent à raison d'un mois par an pour donner le temps aux gens de s'ajuster à ce changement. En fait, cela devrait permettre une transition ordonnée.

On aurait dû expliquer aux Canadiens que le gouvernement avait envisagé cette option, mais que nous l'avons rejetée pour des raisons précises. Comme on l'a déjà dit avant moi, les gens vivent plus longtemps. Alors qu'auparavant il n'y avait pas beaucoup de gens qui atteignaient l'âge de 65 ans, ce n'est plus le cas maintenant. Ce fait devrait être pris en considération pour retarder l'âge de la retraite parce que cela permettrait d'alléger le fardeau des jeunes qui croient aujourd'hui qu'ils vont devoir assumer entièrement le financement de notre pension de retraite.

Le sénateur Oliver avait ajouté ceci:

Honorables sénateurs, à une époque où le revenu réel diminue, les taux d'intérêt à long terme augmentent, les impôts sont élevés, les cotisations au RPC bondissent et les primes d'AE sont ridiculement élevées, où le leader du gouvernement pense-t-il que les Canadiens, qui recevront moins de prestations des régimes publics, trouveront de l'argent pour investir dans des REER afin d'assurer leur retraite?

Le 6 novembre, le sénateur Oliver a posé la question suivante:

Honorables sénateurs, en 1995, le ministère des Finances a fait une étude sur l'impact de l'augmentation des cotisations au RPC entre 1986 et 1995. Durant cette période, les cotisations des employés sont passées de 1,85 p. 100 à 2,25 p. 100 des gains, et le taux combiné est passé de 3,6 p. 100 à 5 p. 100.

Selon les estimations du ministère des Finances, cette légère augmentation a coûté quelque 26 000 emplois aux Canadiens. Le leader du gouvernement au Sénat serait-il prêt à déposer toutes les études qui ont pu être faites par le ministère des Finances ou par des sources extérieures au sujet de l'impact de la hausse imminente de 70 p. 100 des cotisations au RPC? Le gouvernement sait-il combien d'emplois seront perdus à un moment où le Canada vient à peine de se remettre de la récession des dernières années? Combien de Canadiens devront payer le prix de cette augmentation prévue des cotisations?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé de devoir interrompre le sénateur, mais le temps qui lui est accordé est écoulé.

Le sénateur Stratton: Je voudrais, si vous me le permettez, terminer mon discours.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée à l'honorable sénateur Stratton de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Des articles du Financial Post et du Globe and Mail expliquaient récemment que, parce que les employeurs devront payer des cotisations au RPC plus élevées et que la plupart des employeurs ou des entreprises ont des budgets limités au titre des salaires, ils devront transférer les coûts aux consommateurs en les incluant dans le prix de leurs produits, ou encore licencier des gens ou faire appel à des employés contractuels.

Il y a lieu de s'inquiéter des effets à long terme de cette importante augmentation sur les emplois à plein temps.

Le 18 novembre, le sénateur Oliver a dit ceci:

 

Il reste seulement un mois et demi aux Canadiens qui vont avoir 69, 70 et 71 ans cette année pour convertir leurs REER en rente ou en fonds enregistré de revenu de retraite. S'ils ne le font pas, ils risquent de perdre en impôts jusqu'à la moitié de l'argent qu'ils ont dans leurs REER. Pourtant, beaucoup de Canadiens ne savent pas que le gouvernement a ramené à 69 ans l'âge limite pour faire cette conversion.
En fait, un sondage effectué au printemps dernier a révélé que seulement 30 p. 100 des détenteurs d'un REER qui avaient entre 50 et 70 ans étaient au courant de ces nouvelles règles. En date d'il y a trois semaines, moins du quart des clients de la Banque Royale dans le groupe d'âge de 69 à 71 ans avaient converti leurs REER. Selon l'Association canadienne des individus retraités, jusqu'à 80 000 Canadiens pourraient bien ne pas convertir leurs REER à temps.

Compte tenu de cela, et étant donné la confusion qui règne actuellement au sujet de cette question, le gouvernement va-t-il envisager la possibilité de repousser la date limite fixée pour la conversion, afin qu'aucune personne âgée ne soit prise au dépourvu et ne soit obligée de donner aux impôts la moitié des épargne d'une vie?

En d'autres termes, le gouvernement veillera-t-il à ne pas les accabler davantage avec d'autres impôts?

Le sénateur Oliver a poursuivi en ces termes:

Honorables sénateurs, j'ai une autre question. Les documents budgétaires d'avril 1996 regroupent les recettes provenant de cette mesure avec d'autres mesures qui ont été annoncées en même temps. On nous a dit que les recettes nettes provenant de cette mesure et d'autres mesures qui limitent l'aide fiscale à l'épargne-retraite, notamment un nouveau gel des cotisations aux REER, allaient totaliser environ 40 millions de dollars cette année et 175 millions de dollars l'an prochain. On ne nous a pas dit combien de ces recettes proviendraient de l'abaissement de l'âge limite pour la conversion des REER.

Le ministre pourrait-il nous dire deux choses: premièrement, à combien se chiffrent les recettes que le gouvernement compte tirer de l'abaissement à 69 ans de l'âge limite pour la conversion des REER? Deuxièmement, à combien se chiffre la partie de ces recettes provenant de l'imposition des Canadiens qui n'ont pas converti leur REER à temps et dont l'épargne sera considérée comme un revenu pour l'année en cours?

Encore une fois, les Canadiens ne sont pas au courant de ce qui se passe. Nous avons un grave problème quand autant de Canadiens ignorent ce qui se passe.

Le 20 novembre, j'ai dit:

Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne une question posée par le sénateur Meighen le 1er octobre 1997, il y a à peine 51 jours.

Je cite le sénateur Meighen, qui demandait:

 

Le leader du gouvernement au Sénat s'engagera-t-il à déposer l'information produite par l'actuaire en chef selon laquelle il serait prudent d'accumuler un excédent de 15 milliards de dollars, ce qui, si je ne m'abuse, se traduirait par un taux de chômage prévu de 10 à 15 p. 100? Le gouvernement sait peut-être quelque chose que le reste du monde ignore.
Ma question est donc la suivante: quand aurons-nous cette réponse? Cela fait 51 jours que nous l'attendons.

Le 25 novembre, j'ai dit:

 

Certains de nos aînés sont d'avis que le projet de prestation aux aînés pourrait entraîner un taux marginal d'imposition de près de 70 p. 100. Certains spécialistes des REER avertissent déjà les Canadiens ayant un revenu moyen et âgés de plus de 50 ans d'oublier les REER, parce qu'ils perdront davantage demain à cause des modifications à la prestation aux aînés qu'ils ne peuvent économiser aujourd'hui sous forme d'impôts.
Dans un document publié la semaine avant le 25 novembre, l'Association of Canadian Pension Management a dit que la prestation pour aînés étoufferait l'épargne. Il est dit dans ce document:

 

Les Canadiens à revenu moyen pourraient bien simplement décider de compléter les programmes gouvernementaux au moyen de l'accumulation de capital ne produisant pas de revenu, comme les biens immobiliers ou des hypothèques à un taux zéro pour leurs enfants. Il pourraient tout simplement éviter les régimes d'épargne-retraite qui génèrent un revenu lourdement imposé...
L'association suggère aussi qu'Ottawa structure la prestation pour aînés de telle manière qu'elle n'entraîne pas en fait à un taux d'imposition supérieur à 50 p. 100.

Le gouvernement écoutait-il quand j'ai posé la question? Le sénateur Graham a dit: «Oui, bien sûr». Le leader du gouvernement au Sénat a-t-il lu l'article paru ce matin dans le Financial Post, dans lequel on recommandait de revoir cette question pour tenir compte de ce problème? À ce que je comprends, tous les amendements ont été rejetés dans l'autre endroit et aucun autre n'a été proposé. Aucun amendement n'a été adopté.

Les modifications apportées à la loi sur les pensions représentent un des plus grands enjeux qui soient pour les retraités, actuels et à venir. Le gouvernement ne se soucie guère de ce que disent les Canadiens. Ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'il ne renseigne pas la population sur ce qui se passe, notamment en ce qui concerne les modifications qu'il veut apporter à la loi sur les pensions. Les personnes âgées, dans leur ensemble, ne sont pas au courant de ces changements. Le gouvernement a-t-il élaboré un plan de communication de façon à informer les Canadiens à ce sujet avant que ce projet de loi ne soit adopté? Le sénateur Graham a répondu par l'affirmative. Il a ajouté que j'y avais déjà fait allusion et qu'il y avait des lignes 1-800. Il a dit que tel était le plan de communication du gouvernement.

Le coeur du débat sur toute cette affaire de fiscalité a été abordé le 26 novembre quand j'ai interpellé le leader du gouvernement au Sénat en ces termes:

Au 1er octobre de cette année, le sénateur Meighen a posé une question concernant l'assurance-emploi. Le 23 octobre, j'ai posé une autre question qui mentionnait celle qu'avait posée mon collègue. Hier, j'ai obtenu une réponse à ma question et je voudrais la lire pour qu'elle soit consignée au compte rendu. La question portait sur l'assurance-emploi et la réserve. Je cite:

 

Une réserve est nécessaire puisqu'elle permet d'appliquer des taux de cotisation plus stables pendant tout le cycle économique, ce qui évite de devoir les augmenter en période de récession. Elle permet en outre de faire en sorte qu'il y ait suffisamment de fonds pour verser les prestations lorsque ces dernières sont le plus nécessaires.
Ce qui s'est produit au cours de la dernière récession, c'est qu'un excédent de deux milliards de dollars du compte d'assurance-emploi s'était transformé en déficit de six milliards de dollars en deux ans, et on avait dû augmenter les cotisations de 30 p. 100 à un moment déjà difficile pour la création d'emplois. Étant donné ces faits, le gouvernement croit qu'il est sage de constituer une réserve dans le compte d'assurance-emploi.

J'imagine que, si vous m'avez donné cette réponse, c'est la stratégie du gouvernement qui y est décrite.

J'ai poursuivi ainsi:

Si vous me le permettez, j'aimerais citer le Financial Post d'aujourd'hui, le 26 novembre 1997. Dans un éditorial intitulé «L'excédent de l'assurance-emploi est un impôt servant à réduire le déficit», on dit clairement que l'assurance-emploi deviendra:

 

[...] un excédent accumulé qui, selon les prévisions, devrait atteindre un scandaleux 19 milliards de dollars à la fin de 1998.
Si vous avez besoin de huit milliards de dollars pour faire face à une récession, quel genre de récession attendez-vous, compte tenu des besoins que nous avons eus lors de la dernière récession?

Autrement dit, quelle sorte de récession planifie-t-on pour les années à venir, avec une réserve de 18 milliards de dollars?

Les ministres des Finances des provinces se sont réunis à Ottawa. Je pense qu'ils ont dîné hier soir avec le ministre, Paul Martin. Dans un article du Globe and Mail d'hier, on disait:

Avec, à la ligne de front, Ernie Eves, de l'Ontario, et Andrew Petter, de la Colombie-Britannique, les ministres provinciaux ont été clairs sur le fait qu'ils jugent insuffisante la réduction des cotisations à l'assurance-emploi annoncée récemment par M. Martin...

Les premiers ministres ont insisté pour qu'on leur demande leur avis sur la préparation du budget d'Ottawa et la répartition des excédents budgétaires entre nouveaux postes de dépenses, allégements fiscaux et remboursement de la dette.

Lors d'une entrevue téléphonique réalisée vendredi, M. Petter a déclaré que le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique voulait qu'Ottawa compense l'importante hausse des cotisations au Régime de pensions du Canada par une réduction des cotisations d'assurance-chômage.

«Nous craignons que les hausses des cotisations au Régime de pensions du Canada imposent un lourd fardeau aux entreprises et aux travailleurs et réduisent grandement la création d'emplois, si cette mesure est adoptée sans aucune mesure compensatoire», a dit M. Petter.

Le gouvernement conservateur de l'Ontario réclame aussi d'importantes réductions des cotisations à l'assurance-chômage, selon M. Eves [...]

Le trésorier de l'Alberta, M. Stockwell Day, a aussi signalé la semaine dernière qu'il exercerait des pressions sur M. Martin pour qu'il réduise les impôts.

Comme le montrent ces préoccupations exprimées par des sénateurs et des ministres provinciaux des Finances, les modifications à notre régime de pensions sont jugées très inquiétantes. Il y a des questions dont les Canadiens ne savent pas la réponse, dont il faudrait discuter avec eux dans le cadre d'audiences publiques organisées partout au pays, mais le gouvernement est déterminé à aller de l'avant, à précipiter littéralement l'adoption du projet de loi au Parlement, afin que les Canadiens n'aient absolument aucune chance de poser des questions et de s'informer de la portée de ces changements, de l'importance de cette énorme ponction fiscale que le gouvernement leur impose.

Bien que le gouvernement s'en tire passablement bien après avoir fait des choses pour lesquelles notre gouvernement aurait été mis au pilori, je prédis que ce projet de loi, ajouté à ce qui s'en vient et aux changements dans les programmes de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti ainsi qu'à l'arrogance avec laquelle il a présenté la position qu'il défend à Kyoto, entraînera inévitablement la défaite du gouvernement. Je prédis que c'est sur le point d'arriver.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, j'ai un certain nombre de problèmes au sujet des déclarations du sénateur Stratton. J'aimerais bien connaître sa position au sujet des travailleurs à faible revenu et des travailleurs à temps partiel. Il y a dans ce pays plus de travailleurs à faible revenu et à temps partiel que de travailleurs de la classe dite moyenne. Quelle est la position du sénateur à ce sujet?

Il y a dans ce pays un segment totalement isolé de la population qui habite dans ce que l'on peut qualifier de corridor du Canada central. Il y a les centres urbains du Sud du Canada; nous avons tous les services dans le Nord-Ouest du Canada, mais au milieu, il n'y a rien. Même dans le domaine des communications, il n'y a pas grand-chose. J'ai travaillé là-bas, je le sais.

Que ferait le sénateur dans le domaine des communications avec les localités isolées en ce qui concerne les régimes de pension privés? Il n'y a pas de mot en cri ou en michif pour «régime de pension privé».

Je faisais partie des travailleurs à faible revenu en 1965 et 1966 quand ce régime est entré en vigueur. Je n'étais pas d'accord avec le Régime de pensions du Canada. Pourtant, je peux dire aux sénateurs que, aujourd'hui, je suis tout à fait d'accord avec les déductions parce maintenant, au moins, j'ai une pension.

(1650)

Ce qui arrivera si ce régime est adopté, c'est que les personnes qui en ont véritablement besoin en bénéficieront. Personne dans la région d'où je viens ne peut se permettre le luxe de cotiser à un REER. Les gens ne savent même pas ce que c'est. Ils doivent faire 240 kilomètres pour se rendre à la banque la plus proche. Beaucoup ne parlent même pas anglais. L'anglais n'est pas leur première langue, c'est le cri ou le michif. Que feriez-vous pour les personnes qui n'ont rien?

Des voix: Bravo!

Le sénateur Stratton: Je remercie le sénateur de sa question. C'est une excellente question, mais elle devrait la poser au gouvernement. Elle devrait demander au gouvernement ce qu'il fait pour faire connaître les modifications à notre régime de pensions dans son ensemble.

Le sénateur Chalifoux: C'est à vous que je pose la question.

Le sénateur Stratton: Je sais, et j'y viendrai dans un instant, mais c'est une question que l'honorable sénateur devrait aussi poser au gouvernement.

D'abord, le régime de pensions accuse un déficit de 600 milliards de dollars; ce n'est donc pas le moment de le privatiser. Les gens dont parle l'honorable sénateur et les gens de ma génération ne sont pas suffisamment préparés financièrement pour supporter cette transition. Il est impossible de privatiser immédiatement. Je ne dis pas que cela se produira aujourd'hui; je dis que cela finira par se produire.

Il suffit d'observer ce qui se passe au Chili. Le Chili est une longue et étroite bande de terre située sur la côte ouest de l'Amérique du Sud et je crois sincèrement que le problème des communications y est tout aussi grave que chez nous. J'ai raconté aux honorables sénateurs l'histoire du ministre des Finances du Chili, qui s'est présenté à la télévision toutes les trois ou quatre semaines pour expliquer le nouveau régime de pension, une petite partie à la fois et pour parler aux gens, qui possèdent tous des téléviseurs; il a réussi à communiquer de cette façon. Voilà la solution que le gouvernement du Chili a choisie. Je ne dis pas que cette solution s'appliquerait ici, mais je vous pose la question: comment communique-t-on? La seule façon de communiquer est le contact personnel. Il faut sortir et aller rencontrer les gens chez eux. L'adoption de ce projet de loi n'est pas urgente au point de vous empêcher de le faire. Pourquoi ne pas insister pour que votre gouvernement invite notre comité à se rendre sur place pour parler aux gens?

Le sénateur Chalifoux: Nous en avons parlé au gouvernement conservateur pendant de nombreuses années et rien n'a été fait.

Le sénateur Comeau: Nous ne sommes pas au pouvoir maintenant. Vous devriez insister auprès de votre parti.

(Sur la motion du sénateur Gigantès, le débat est ajourné.)

 

Projet de loi canadien sur les coopératives

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-5, régissant les coopératives.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 11 décembre 1997.)

 

Le Code criminel La Loi d'interprétation

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Motions d'amendement-Ajournement du débat dans l'attente d'une décision de la présidence

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyé par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations),

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow, que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots après le mot «que» et par substitution de ce qui suit:

 

«le projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations) ne soit pas maintenant lu une deuxième fois
a) parce que le Sénat est opposé au principe d'un projet de loi qui a été soumis au Parlement par suite de l'arrêt de la Cour suprême du 22 mai 1997 et des ordonnances de cette dernière du 27 juin et du 19 novembre 1997;

b) parce que le Sénat trouve déplacé que la Cour suprême empiète sur les droits souverains du Parlement d'adopter les lois et manque de respecter la déférence constitutionnelle entre les tribunaux et le Parlement;

c) parce que la Cour suprême contraint le Parlement en prédisant des conséquences catastrophiques pour l'application des lois et les arrestations s'il n'adopte pas ce projet de loi.»

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, j'avais ajourné le débat, mais je crois savoir que le sénateur Wood désire prendre la parole.

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l'amendement du sénateur Cools. Ce dernier, que l'on décrit comme un amendement motivé, est une disposition parlementaire qui permet à un sénateur de soulever des préoccupations relativement aux principes d'un projet de loi et de s'y opposer. Les inquiétudes croissantes du public à l'égard de l'activisme judiciaire, notamment dans le domaine du droit pénal, mérite que l'on s'y intéresse et que l'on se penche sur la question. On trouve un exemple de ces inquiétudes dans une lettre parue dans l'Ottawa Citizen. Il importe de s'intéresser à ces préoccupations croissantes.

Je félicite madame le sénateur Cools d'avoir présenté cet amendement. Elle agit souvent comme notre conscience et, pour ma part, je la remercie de tous les efforts qu'elle déploie dans la recherche sur les projets de loi dont nous sommes saisis.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, j'hésitais à intervenir dans ce débat parce que je n'ai pas un esprit de juriste. Puis il m'est venu à l'esprit que la plupart des avocats n'en ont pas non plus - et cela comprend un certain nombre d'entre eux qui sont ici présents.

Ma curiosité à cet égard a été piquée par un article de journal où un détective se plaignait de la situation bizarre dans laquelle il se trouverait si le projet de loi était adopté. Auparavant, s'il poursuivait quelqu'un dans un immeuble résidentiel, il pouvait y entrer en vertu des dispositions de poursuite immédiate et arrêter l'individu. Maintenant, si l'individu pénètre dans un immeuble résidentiel comptant 50 ou 60 appartements, le détective se demande, étant donné qu'il doit avoir un mandat, s'il doit obtenir un mandat pour chacun des appartements parce qu'il ne sait pas dans lequel l'individu s'est réfugié.

Puis, madame le sénateur Cools, dans ses observations, a vivement piqué ma curiosité, et je lui ai posé une question au sujet du cas où M. Feeney a tué M. Boyle, en Colombie-Britannique. M. Boyle est cet homme de 85 ans qui a été battu à mort par un homme bien plus jeune que lui.

Deux personnes ont dit avoir vu M. Feeney quitter la scène dans le camion de M. Boyle. Les policiers ont suivi le camion jusqu'au domicile de M. Feeney. Ils ont trouvé le camion stationné à l'extérieur d'une maison mobile, et vu une traînée de sang entre le camion et la maison mobile. Ils ont suivi la procédure habituelle qui consiste à frapper à la porte et à s'identifier comme la police, mais il n'y a pas eu de réponse. Les policiers ont dit que la porte était ouverte et qu'ils sont entrés. Ils ont trouvé M. Feeney endormi. De toute évidence, le fait d'avoir battu à mort sa victime l'avait épuisé et il s'était endormi. Il avait encore du sang sur le visage et sur sa chemise. Les policiers ont fouillé les lieux et trouvé sous le matelas l'argent volé à M. Boyle. Ils ont arrêté M. Feeney sans mandat.

S'il y a jamais eu de cas évident, c'était bien celui-là. Les policiers auraient dû être en situation de poursuite immédiate, mais quand l'un d'entre eux a été contre-interrogé durant le procès, il a admis n'avoir eu aucune raison de soupçonner M. Feeney et qu'il n'était entré que pour l'interroger. Cet agent avait dû recevoir une formation du sergent Fiegenwald, parce qu'il y avait certainement toutes les raisons justifiant l'arrestation de M. Feeney.

(1700)

Avant la Loi constitutionnelle de 1982, la police avait ce pouvoir en cas de poursuite immédiate. Je pense qu'elle possède toujours ce pouvoir. Il n'est pas inscrit dans le Code criminel. Il s'agit d'un de nos principes de droit hérités du régime britannique. Comme le sénateur Cools l'a fait remarquer, aucune loi n'a été violée. Par conséquent, cela ne concernait pas l'exigence voulant que toutes les lois fédérales soient conformes à la Charte des droits et libertés.

Hier, le sénateur Beaudoin a donné des explications sur différentes parties de la Constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, la Charte des droits et d'autres lois. Il semble parfois que la Cour suprême du Canada considère que la Constitution se limite à la Charte des droits et libertés. Malgré tous les éléments de preuve - le camion volé, le sang sur l'accusé -, les juges ne se sont arrêtés qu'à une chose, soit le mandat d'arrestation. C'était des chinoiseries judiciaires. C'est la seule façon de décrire ce qui s'est passé.

Il n'y avait pas de mandat parce que la police était intervenue sur le fait quand elle a pu mettre la main sur l'accusé, et je crois qu'elle a bien agi.

Honorables sénateurs, la Cour suprême n'a pas tenu compte des droits de M. Boyle. Selon l'article 7 de la Charte, M. Boyle avait pourtant droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et ces droits ne devaient pas lui être retirés sauf aux termes des principes de la justice fondamentale.

Je m'étonne qu'on interprète toujours la Charte du point de vue criminel, mais jamais en pensant à la victime. Il faudrait envoyer un message aux juges de la Cour suprême du Canada pour leur rappeler que la victime aussi a des droits aux termes de la Charte.

Honnêtement, honorables sénateurs, je dois signaler que trois juges ont exprimé leur dissidence. D'après eux, les mesures prises par la police ne modifiaient en rien la décision. Le juge en chef a tranché et cité la décision rendue par l'ancien juge en chef Brian Dickson, qui aurait dit, si je ne m'abuse, que si ce n'est pas traité précisément dans la Constitution, il est sous-entendu que cela y est. Mais, là encore, ce n'est que mon interprétation.

Je souligne encore une fois que M. Boyle avait le droit à sa vie. Il avait le droit d'avoir un véhicule et de le conduire, et il avait le droit d'avoir de l'argent en sa possession. On lui a enlevé tout cela, mais la Cour suprême n'a pensé à rien d'autre qu'à un bout de papier appelé mandat et qu'à reprocher aux policiers de ne pas avoir ce document.

Je voulais dire que les criminels devraient peut-être demander un mandat avant de commettre un meurtre, mais je ne veux pas poursuivre dans ce sens car je crains qu'un juge attaché à la Charte ne leur donne un mandat ou un permis pour le faire.

Il y a 15 ans, j'aurais été scandalisé que l'on critique un jugement rendu par la Cour suprême, mais c'est aujourd'hui chose courante. Quand la Cour suprême prononce un jugement important, les médias sont là pour interviewer les gens prêts à commenter, surtout négativement, le jugement. Les journaux publient des articles sur le jugement; j'ai ici un article du Ottawa Citizen du 4 décembre paru sous le titre suivant: «Les décisions judiciaires: justice ou démence?» Comme je l'ai dit, on n'aurait jamais vu pareil titre il y a 15 ans.

Le sénateur Cools a soulevé la question à propos du droit de la Cour suprême du Canada de donner des directives au Parlement. Je ne vois pas d'objection à ce que la Cour suprême juge une chose inconstitutionnelle et déclare invalide une mesure législative. C'est sa fonction, et le Parlement l'en a saisie. Cependant, la promulgation des lois demeure la fonction du Parlement. Ce n'est pas la fonction de la Cour suprême du Canada ni de quelque tribunal que ce soit de légiférer.

Honorables sénateurs, j'ai lu dans le journal d'aujourd'hui un article dans lequel les familles de Leslie Mahaffy et de Kristen French, qui ont été assassinées par Paul Bernardo, prient le juge d'édicter une loi interdisant de produire des éléments de preuve de ce genre en public devant les tribunaux. Il est intéressant de noter qu'elles demandent au juge, non au Parlement, d'édicter une loi. Je le répète, cette fonction appartient au Parlement.

Le Parlement est le plus haut tribunal du pays et doit toujours le rester. Il serait très inusité qu'un tribunal inférieur donne des directives à un tribunal supérieur.

Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Cools de tout le travail et des recherches qu'elle a effectués. Beaucoup d'éléments dans son amendement valent la peine d'être pris en considération. Elle a cependant oublié un aspect de notre projet de loi.

(1710)

Les lois adoptées par le Parlement n'entrent pas en vigueur tant qu'elles ne reçoivent pas la sanction royale et le fait que la Cour suprême ordonne au Parlement d'adopter une loi au plus tard le 19 décembre 1997 usurpe la prérogative royale. Voilà pourquoi nous avons la sanction royale. Nous pourrions nous retrouver dans une situation ridicule si l'un des juges qui a ordonné l'adoption de cette mesure législative au plus tard le 19 décembre se présente au Sénat pour donner la sanction royale au nom du souverain.

 

Motion de sous-amendement

L'honorable Orville H. Phillips: Par conséquent, je propose:

Que la motion d'amendement soit modifiée par adjonction, après l'alinéa c), de ce qui suit:

«d) parce que la Cour, par son ordonnance du 19 novembre 1997, portant que le projet de loi C-16 soit adopté au plus tard le 19 décembre 1997, gêne les délibérations du Parlement du Canada et rabaisse le Sénat du Canada;

e) parce que la Cour usurpe la prérogative royale de la souveraine qui, sur l'avis et avec le consentement du Parlement, maintient et défend la paix de Sa Majesté, l'ordre public et la sécurité de tous.»

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai un problème. De prime abord, je ne sais s'il est possible de modifier un amendement motivé. Je dois consulter les précédents. Comme vous le savez, les amendements motivés sont rares et je veux m'assurer que nous sommes sur la bonne voie. Je prendrai la question en délibéré.

(Le débat est ajourné en attendant la décision de la présidence.)

[Français]

 

Le Québec

Les commissions scolaires linguistiques-La modification de l'article 93 de la Constitution-Adoption du rapport du comité mixte spécial

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pépin, appuyée par l'honorable sénateur Lucier, tendant à l'adoption du rapport du comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, déposé auprès du greffier du Sénat le 7 novembre 1997.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, dans un premier temps, je tiens à remercier la coprésidente du comité mixte, notre collègue le sénateur Lucie Pépin et le coprésident, le député Denis Paradis, de s'être si bien acquittés de leur tâche dans des circonstances assez exceptionnelles et pas toujours faciles.

En fait, tel qu'exprimé ici et ailleurs, vu la décision du ministre des Affaires intergouvernementales que l'appui du gouvernement à l'amendement de l'article 93 de la Constitution était déjà acquis et que sa majorité au comité ne laissait aucun doute quant aux conclusions de ce dernier, le rôle du comité aurait pu se limiter à celui de tampon.

De plus, on a refusé au comité le droit de siéger à l'extérieur tout en lui ordonnant de déposer son rapport au plus tard le 7 novembre 1997, ne lui donnant que trois semaines pour entendre les témoins et préparer son rapport. Quel contraste avec le cheminement à pas de tortue de nombreux projets de loi d'importance secondaire qui reposent sur les tablettes parlementaires pendant des mois avant de recevoir la sanction royale!

Le sénateur Wood, dans son discours du 27 novembre 1997, a très bien décrit la camisole de force dans laquelle le comité mixte a été appelé à oeuvrer. Tout s'est fait à la vapeur. On a refusé de «publiciser» la tenue des audiences, contrairement à la coutume. La liste des témoins changeait presque d'heure en heure. Certains de ceux-ci n'ont reçu leur convocation qu'à quelques heures d'avis et leur présentation en a souffert, d'après leur propre témoignage.

Malgré ces déboires, c'est surtout grâce à la compréhension et à l'assiduité des deux coprésidents que le comité a pu quand même poursuivre ses travaux avec une certaine cohérence, un résultat que d'autres n'auraient pu atteindre, compte tenu des contraintes extrêmement sévères et même injustes qui leur étaient imposées.

Dans de telles conditions, il était tout à fait normal qu'une participation au comité ait pu être interprétée comme sanctionnant les conditions imposées par et en faveur du gouvernement. L'enjeu, cependant, valait cette fausse interprétation car le Parlement du Canada faisait face à la demande de l'Assemblée nationale du Québec, dont la majorité est composée de souverainistes, d'exempter le Québec de certaines obligations constitutionnelles qui lui sont imposées depuis 130 ans.

[Traduction]

Malheureusement, il n'y avait pas assez de temps pour que le comité participe à des séances d'information préparatoires pour pouvoir comprendre à fond toutes les conséquences de la résolution du Québec. Il a donc eu tendance à s'éloigner de la teneur de son mandant. Des expressions telles que éducation religieuse, instruction religieuse, écoles confessionnelles, droits linguistiques et droits de la minorité ont été employées si souvent qu'elles ont eu tendance à devenir interchangeables et à se confondre.

L'article 93 est un compromis qui a été conçu à une époque où deux croyances religieuses dominaient la vie courante au Canada dans une mesure que nous avons du mal à décrire aujourd'hui, puisque nous avons tendance à prendre nous-mêmes les décisions morales les plus difficiles au lieu de se les faire imposer par une autorité reconnue. En 1867, les catholiques et les protestants se sont fait garantir des privilèges qu'on ne songeait même pas à accorder à d'autres confessions religieuses. Ils étaient si nombreux et avaient une telle influence que l'idée que l'article 93 puisse être autre chose qu'un droit bien mérité n'a même pas été soulevée.

Au début des années 80, lorsqu'on discutait de la Constitution canadienne, l'article 93 est resté inchangé par rapport à 1867, même si la société canadienne avait évolué au point que le débat actuel aurait dû se faire à ce moment-là. Mieux encore, les auteurs de la Loi constitutionnelle ont reconnu que le fait que l'article 93 soit limité à deux confessions chrétiennes privilégiées allait à l'encontre des dispositions de la Charte contre la discrimination. L'article 29 soustrait l'article 93 à l'application de la charte. Il ne saurait être plus clair:

Les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles.

C'est aux personnes qui étaient là à l'époque qu'il revient d'expliquer pourquoi la question des écoles confessionnelles et d'autres questions qui réclamaient un changement, telle la réforme du Sénat, n'ont pas été abordées au cours du long débat qui a précédé et accompagné le rapatriement et qui a entouré la Loi constitutionnelle elle-même. On a certes raté une occasion en or de donner au Canada une loi qui soit plus au diapason de la société canadienne d'aujourd'hui, sauf pour l'adoption de la Charte des droits et libertés. Même celle-ci n'est pas dépourvue de lacunes, et la moindre n'est pas la disposition d'exemption qui peut être mal utilisée. Tout cela reflète peut-être la seule constante qui a marqué le Canada depuis ses origines: un pays caractérisé par sa diversité et ses contradictions politiques et sociales extraordinaires.

De toute manière, l'Assemblée nationale du Québec nous demande de la relever de ses obligations de garder les structures catholique et protestante officielles dans les villes de Montréal et de Québec et de garder des écoles minoritaires ou séparées catholiques et protestantes à l'extérieur de ces régions à la demande des parents de la minorité catholique ou protestante, selon le cas. La loi provinciale établissant des écoles linguistiques est déjà mise en oeuvre. Ces écoles peuvent être établies sans modifier l'article 93. Le gouvernement québécois signale, toutefois, que l'existence de systèmes scolaires multiples ne peut qu'entraîner des chevauchements, des doubles emplois et de la confusion, avec tous les coûts additionnels qui y sont associés.

En outre, l'éducation religieuse prévue à l'article 93 est confirmée par la Loi sur l'instruction publique du Québec, ce qui peut sembler rassurant a priori, mais qui ne l'est pas, en fait, étant donné que cette protection n'est tout simplement pas aussi blindée qu'une garantie constitutionnelle.

(1720)

Lorsque la Loi sur l'éducation, le projet de loi 107, a été adoptée en 1994, l'Assemblée nationale a accepté d'appliquer la disposition d'exemption afin que les privilèges accordés aux confessions religieuses à l'article 93 ne puissent être contestés avec succès en vertu de la Charte. Les dispositions d'exemption expirent tous les cinq ans, et celle-ci expirera en 1999. Sera-t-elle renouvelée? Le Parti québécois a voté contre cette disposition lorsqu'il était dans l'opposition. Les deux ministres qui ont témoigné devant le comité mixte n'ont pas voulu révéler la position de leur parti, préférant attendre que de vastes consultations aient lieu avant de se prononcer. J'ai toutefois l'impression, même si cette impression n'est fondée sur rien de concret, que, si le Parti québécois forme encore le gouvernement dans deux ans, la disposition d'exemption ne sera pas renouvelée, ce qui mènera à l'élimination graduelle de l'enseignement catholique et protestant dans les écoles publiques tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Honorables sénateurs, avant de nous prononcer sur cette résolution, il y a une question que nous devons nous poser à la lumière de l'information dont nous disposons: compte tenu de la possibilité que la disposition d'exemption ne s'applique plus après 1999, en approuvant la demande de l'Assemblée nationale, le Parlement se trouvera-t-il en fait à ouvrir la porte à l'élimination éventuelle de tout enseignement religieux dans les écoles publiques au Québec? D'après l'expérience passée et d'après les hypothèses actuelles, ma réponse est «probablement que oui».

En réponse à cela, beaucoup mentionneront une lettre envoyée au ministre des Affaires intergouvernementales par l'évêque de Baie-Comeau au nom de l'Assemblée des évêques du Québec. La lettre, datée du 30 septembre 1997, figure à l'annexe H du rapport du comité mixte. Dans cette lettre, l'évêque Morissette réaffirme l'approbation de l'assemblée à l'égard de l'établissement de commissions scolaires linguistiques, mais il ajoute une importante réserve qui n'a été que mentionnée en passant dans le rapport lui-même. La lettre dit ceci:

[Français]

Notre acceptation du changement des commissions scolaires a toujours été accompagnée d'une condition: que les garanties confessionnelles que la loi 107 a établies soient maintenues.

[Traduction]

L'évêque anglican de Montréal, dans une lettre datée du 3 novembre 1997, adressée au même ministre, et incluse à l'annexe I du même rapport contient le passage suivant:

[Français]

 

[...] (nous favorisons) la création de Commissions scolaires linguistiques et l'établissement d'un système d'éducation respectant le choix des parents d'exiger que leurs enfants reçoivent une éducation religieuse et morale conforme à leur croyance.
[Traduction]

Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas tenir compte de ces opinions, d'autant plus puisqu'elles coïncident avec celles de beaucoup de gens, de parents en particulier, qui ont témoigné devant le comité. Les écoles linguistiques sont tout à fait acceptables, avons-nous entendu à maintes reprises, tant que la composante religieuse est maintenue.

Les franco-protestants et les anglo-catholiques étaient particulièrement préoccupés. Ils ne sont pas en nombre aussi impressionnant que les autres groupes, mais ils ne peuvent pas être quantité négligeable pour le Parlement du Canada, en tant que gardien des droits des minorités. Le Parlement du Canada ne peut pas souscrire à l'idée que les droits des minorités puissent être modifiés, encore moins éliminés, par une décision de la majorité, lorsque cette majorité peut avoir peu d'intérêt pour les préoccupations de la minorité.

On peut trouver quelques assurances dans une déclaration faite par le ministère de l'Éducation du Québec dans un supplément publicitaire paru dans le journal The Gazette du 29 novembre dernier. Elle est intitulée: «Des écoles confessionnelles et des services». Je vous lis les deux paragraphes qui portent sur le sujet qui nous occupe. Il s'agit de la politique québécoise officielle du ministère de l'Éducation sur les écoles confessionnelles et les services dans les nouvelles commissions scolaires linguistiques. Voici:

Déconfessionnaliser les commissions scolaires ne veut pas dire que toutes les écoles du Québec seront neutres. Chacune pourra, en effet, conserver ou réviser son statut actuel en tant qu'établissement catholique ou protestant. De plus, les élèves qui le désirent continueront d'avoir accès à un cours d'enseignement religieux et aux services d'animation pastorale ou religieuse.

Toutefois, avant la fin de la troisième année suivant la mise en place des commissions scolaires linguistiques, les écoles seront appelées à examiner, après avoir consulté les parents, l'opportunité de maintenir ou non leur statut confessionnel.

Ceux qui ne connaissent pas les commissions scolaires catholiques et protestantes de Montréal et de Québec devraient savoir que, dans bien des cas, particulièrement dans le secteur protestant, c'est la langue d'instruction qui est l'élément déterminant dans chaque école. Beaucoup d'écoles ont peu, sinon pas du tout de cours de religion, tandis que, dans d'autres, la dimension religieuse est très importante. Les parents ont déjà leur mot à dire sur la quantité de cours de religion auxquels ils veulent exposer leurs enfants et cela continuera sous le nouveau système.

Les garanties énoncées à l'article 93 ne visent que les questions confessionnelles, mais le système scolaire qui en a résulté au Québec n'en est pas moins essentiellement de nature linguistique. On n'entend pas souvent les gens dire qu'ils vont à une école catholique ou protestante de nos jours. Ils vont plutôt parler d'école française ou anglaise. Il était donc inévitable que le comité soit amené à débattre des répercussions qu'aurait une modification de l'article 93 sur les droits linguistiques, en particulier les droits revendiqués par la minorité.

L'article 23 de la Charte établit les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, mais le Québec n'était pas lié par ces dispositions et a adopté une loi qui crée deux catégories de Québécois d'expression anglaise en établissant une distinction entre ceux qui ont été éduqués au Canada et ceux qui ont été éduqués ailleurs. Seuls les enfants dont les parents ont été éduqués en anglais au Canada peuvent recevoir une éducation en anglais au Québec. Les parents qui ont été éduqués en anglais à l'extérieur du Canada doivent faire instruire leurs enfants en français. Il y a donc au Québec deux catégories d'anglophones.

Le Québec a souvent été critiqué pour cette discrimination, et à juste titre. L'origine de cette situation indésirable remonte à l'époque du ministre de la Justice, l'actuel premier ministre.

On me permettra de citer son livre, Dans la fosse aux lions, dans lequel M. Chrétien explique comment il était responsable de l'exemption accordée au Québec à l'égard des principales dispositions de l'article 23. Il écrit ce qui suit:

 

Au cours des semaines qui suivirent, je poursuivis mes efforts pour satisfaire les demandes du Québec, au point d'amender le principe de l'éducation pour les groupes minoritaires et d'ajouter une compensation financière en matière de culture et d'éducation dans le cas où le Québec déciderait de se retirer de ces programmes. Il me fallut tous mes talents de persuasion pour convaincre Pierre Trudeau, qui finit par accepter, de même que les neuf autres premiers ministres provinciaux, encore disposés à reconsidérer leur entente pour satisfaire le Québec. Mais Lévesque ne pouvait ni ne voulait rien accepter. Finalement, c'est Ottawa qui inclut ces changements dans le projet final, permettant ainsi au Québec de signer l'accord plus tard.
M. Chrétien ajoute:

 

J'avais l'habitude de plaisanter sur le fait que ces modifications constitutionnelles étaient les premières dans notre histoire à avoir été négociées au téléphone.
Il convient de signaler que M. Chrétien se vante d'avoir fait «amender le principe de l'éducation pour les groupes minoritaires». Il se vante d'avoir obtenu l'approbation du premier ministre Trudeau et des neuf autres premiers ministres et trouve amusant que cet abandon inexcusable d'un principe fondamental ait été obtenu au téléphone.

Honorables sénateurs, l'exemption partielle du Québec à l'égard de l'article 23 a été proposée et approuvée par M. Chrétien, par l'inclusion de ce qui suit dans la Loi constitutionnelle de 1982:

59(1) L'alinéa 23(1)a) entre en vigueur pour le Québec à la date fixée par proclamation de la Reine ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada.

(2) La proclamation visée au paragraphe (1) ne peut être prise qu'après autorisation de l'assemblée législative ou du gouvernement du Québec.

L'alinéa 23(1)a) de l'application duquel le Québec a été exempté par les auteurs de la Loi constitutionnelle eux-mêmes, stipule que les citoyens canadiens:

 

[...] dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident [...] ont, dans l'un ou l'autre cas le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.
Même si on peut reprocher au Québec de refuser de respecter l'alinéa 23(1)a), il faut reconnaître qu'il n'aurait jamais pu le faire sans la complicité de ceux qui, durant les discussions devant conduire à la Loi constitutionnelle de 1982, ont accepté de libérer le Québec de l'obligation de donner à certains citoyens les droits fondamentaux accordés aux autres Canadiens. Ce n'est pas un compromis, c'est une abdication.

Finalement, je voudrais parler du principe des comités mixtes, en particulier celui qui était chargé d'étudier cette question dans un temps donné. On a dit ici, et on l'a répété au comité, que la participation du Sénat ne doit pas être interprétée comme un abandon de sa part des obligations imposées au Sénat en matière de modifications constitutionnelles. Il est vrai que, seul, le Sénat ne peut pas défaire une modification de cette nature, car le Sénat ne peut pas prévaloir sur la Chambre des communes. Cependant, comme on l'a vu à propos de la première résolution sur la clause 17, le Sénat, même s'il a un impact limité sur un amendement constitutionnel, peut jouer un rôle très constructif à cet égard. Je suis convaincu que si les amendements proposés par le Sénat avaient été acceptés, le Parlement n'aurait jamais été saisi d'une deuxième résolution sur la clause 17, car les amendements du Sénat auraient satisfait les minorités visées tout en respectant les objectifs du gouvernement de Terre-Neuve.

(1730)

Le comité mixte n'a pas eu le temps d'examiner la résolution du Québec avec le soin qu'elle méritait. Un nombre impressionnant de témoins ont comparu devant le comité mais les limites de temps les ont obligés à abréger leur témoignage, et les questions et les réponses étaient souvent incomplètes, quand il n'y était pas coupé court. La hâte inacceptable avec laquelle le gouvernement a obligé la commission à procéder à ses travaux n'a fait que rendre les choses encore plus difficiles.

Les comités mixtes de cette sorte sont dans l'intérêt du gouvernement, pas dans celui du Parlement, parce que, le gouvernement contrôlant leur programme, ils jouissent d'une marge de manoeuvre et d'une indépendance limitées. Que cela ne rejaillisse surtout pas sur les coprésidents ou sur les membres de la commission, que je remercie encore une fois pour leur excellent travail, notamment les coprésidents qui ont travaillé dur dans des circonstances difficiles. Je veux seulement parler du concept et cette remarque pourrait aussi s'appliquer au comité mixte qui vient tout juste de finir d'examiner l'amendement proposé à la clause 17.

Si les comités mixtes deviennent la règle plutôt que l'exception, et que la Chambre des communes se trouve privée de deux tiers de ses députés, comment peut-on espérer qu'un deuxième examen objectif l'emporte même si les arguments sont convaincants? C'est pourquoi il est essentiel que les amendements constitutionnels soient examinés en détail par le Sénat, autrement, la Chambre des communes lui imposera toujours sa volonté.

Ce qui suit est un extrait du rapport du comité mixte, et je puis vous assurer, honorables sénateurs, qu'il ne s'agit pas d'une idée après-coup:

Seize membres de la Chambre des communes et sept sénateurs ont été nommés au comité spécial mixte. Certains de ces sénateurs ont déclaré que leur participation au comité ne devait pas être considérée comme les dispensant, ni aucun de leurs collègues du Sénat, de l'obligation constitutionnelle du Sénat de considérer toute modification proposée à la Constitution du Canada.

[Français]

J'entends déjà les cris d'alarme de ceux qui vont prétendre que le Sénat, en adoptant ce ton, engendrera un délai qui pourrait compromettre les réformes envisagées par le gouvernement du Québec. Je voudrais rappeler à ceux qui s'inquiéteraient ainsi que les réformes sont déjà commencées, elles sont même très avancées et elles n'ont pas besoin d'amendement à l'article 93 pour être conclues.

Il y a présentement 156 commissions scolaires au Québec; au 1er juillet 1998, il n'y en aura que 72, dont 60 de langue française, 9 de langue anglaise et 3 desservant les autochtones. Les travaux menant à cette fin sont maintenant la responsabilité de commissions provisoires. Elles céderont leur place aux nouvelles commissions scolaires lors d'élections pour celles-ci en juin 1998. Tout ce processus est possible grâce à la Loi sur l'éducation qui a été adoptée en juin dernier et qui énumère toutes les étapes à suivre quant à la mise en marche des nouvelles structures scolaires linguistiques.

L'amendement à l'article 93 permettra la disparition de commissions scolaires confessionnelles et dissidentes seulement, et celles-ci doivent rester en place jusqu'à la fin de la présente année scolaire, soit au début de l'été 1998.

Donc, l'argument qu'il est essentiel que le Parlement prenne une décision avant la fin de l'année n'a aucune raison d'être.

[Traduction]

J'espère que les honorables sénateurs ne se laisseront pas leurrer par cet argument spécieux selon lequel, en approuvant rapidement la résolution, on démontrerait l'efficacité de la fédération. Les partisans du gouvernement nous ont servi cet argument ad nauseam après l'adoption de la résolution à l'autre endroit. C'est un sentiment que ne partagent certainement pas les membres du gouvernement du Québec.

Les modifications constitutionnelles ont des répercussions sur tous les Canadiens, même si leur impact immédiat se limite à une région du pays. Il ne faut pas les traiter à la légère, surtout lorsqu'elles touchent des minorités. La valeur de la fédération est liée à notre respect traditionnel pour la spécificité des minorités et leur désir de ne pas voir leur individualité écrasée sous le poids de la majorité.

Le sénateur Forest a présenté un plaidoyer touchant en ce sens le 7 novembre dernier. Je recommande à tous mes collègues de lire ses commentaires, très pertinents pour nos présentes discussions, surtout les parties où elle nous rappelle le contraste entre le traitement des minorités en Alberta et au Manitoba.

Finalement, même si les droits en cause sont discriminatoires selon les normes actuelles, on nous demande de supprimer des droits garantis par la Constitution et de les confier à une province qui les respectera pendant un certain temps, sans garantir qu'ils seront inscrits en permanence. L'Assemblée nationale a approuvé cette mesure à l'unanimité, comme la plupart des témoins qui ont suivi le dossier, avec plus ou moins d'enthousiasme. D'éminents experts juridiques ont même affirmé que, dans diverses décisions, la Cour suprême a interprété l'article 93 de telle manière qu'il a perdu presque tout son sens.

Tout cela est peut-être vrai, mais certains Québécois demeurent convaincus que, s'il adopte cette résolution, le Parlement qui doit justement les protéger les abandonnera.

En terminant, je tiens à citer une opinion remise au gouvernent du Québec par ce que l'on appelle le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation du Québec, un organisme consultatif qui est appelé à se prononcer sur différentes questions concernant la religion catholique dans les écoles. Cette opinion a été rédigée et transmise après les audiences du comité mixte. Il importe que nous prenions tous connaissance de ce texte.

J'aimerais citer quatre paragraphes, et je ne les cite pas hors contexte car le sentiment exprimé dans ces quatre paragraphes donne le ton de tout le document.

Les conséquences de la modification constitutionnelle demandée par le Québec ne sont pas faciles à interpréter ou à mesurer avec exactitude. Objections et réserves ont été exprimées, particulièrement par la minorité catholique anglophone et par la minorité protestante francophone. Les spécialistes du droit constitutionnel disent que la modification pourrait avoir un effet surprenant bien au-delà des effets limités dont font généralement état les médias. Il se peut que le public ait du mal à saisir l'envergure réelle de ce qui se passe ou à faire connaître son opinion parce qu'il n'a accès ni à l'information ni aux moyens de communications nécessaires. Il faut donc reconnaître que si le Parlement accède à cette requête, l'appui du public pour la modification est moins certain que son appui pour la création de commissions scolaires linguistiques [...]

Le projet de loi 109 [...]

... qui est la Loi sur l'éducation adoptée par le Québec en juin ...

 

[...] maintient le principe de la liberté de choix en matière d'éducation. Toutefois, les délibérations du comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat ont souligné le fait que la législation dans ce domaine sera en danger dès le moment où le Québec sera soustrait à l'application des paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Selon certains spécialistes du droit constitutionnel, la seule conclusion que l'on puisse tirer de la jurisprudence ontarienne et de la Cour suprême, particulièrement la décision Adler, est que la modification demandée par le Québec pourrait, à toutes fins pratiques, priver l'Assemblé nationale du pouvoir d'adopter des lois permettant la moindre intrusion de la religion dans le système scolaires public, à moins qu'elle n'invoque la disposition dérogatoire...
Par conséquent, le comité pense qu'il se pourrait que la modification devienne une bombe à retardement à moins que le gouvernement du Québec ne soit prêt à reconduire la disposition dérogatoire ou à chercher une meilleur solution qui lui permettait de conserver, à toutes fins pratiques, son pouvoir d'adopter des lois sur les écoles confessionnelles...

Et enfin:

Par conséquent, le comité catholique recommande instamment au gouvernement québécois de trouver immédiatement une disposition juridique, constitutionnelle ou autre, qui lui permettrait d'établir un équilibre entre les exigences des chartes, y compris l'article 41 de la charte québécoise, et les attentes légitimes exprimées par le public. Une telle disposition résoudrait le dilemme décrit ci-dessus concernant le recours aux dispositions dérogatoires ou leur élimination. Mais qui plus est, cela permettrait un véritable débat démocratique sur un nouveau pacte social dans le domaine de l'enseignement religieux.

Je pense que, compte tenu des auteurs de cet avis, nous devons y réfléchir sérieusement.

Lorsque le moment sera enfin venu de voter et que nous serons saisis de la motion même, j'espère, honorables sénateurs, que nous pourrons nous constituer en comité plénier pour entendre les témoins qui n'ont pas pu comparaître devant le comité mixte et dont les réflexions pourront nous guider. Je pense en particulier au ministre des Affaires intergouvernementales qui, après tout, a présenté la motion au nom du gouvernement canadien. Il est aussi bien placé que quiconque pour répondre aux préoccupations soulevées ici et ailleurs. Je suppose qu'il sera ravi de cette occasion de témoigner avant que nous ne votions.

(1740)

J'estime nettement que le ministre doit faire part de son point de vue à la Chambre et s'engager dans un échange direct et franc avec les sénateurs. J'exhorte les leaders de l'autre côté à organiser une rencontre à cette fin le plus tôt possible.

Il y a encore trop de questions sans réponse et d'éléments incertains et inquiétants pour qu'un grand nombre de sénateurs des deux côtés soient vraiment en mesure de prendre fermement position à l'heure actuelle. Le ministre devrait être capable de donner des garanties, dont l'inexistance a jusqu'à maintenant incité bon nombre d'entre nous, y compris moi-même, à hésiter à appuyer cette résolution.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, l'éducation, c'est l'affaire de tout le monde. Quand les citoyens discutent de l'éducation de leurs enfants, la passion prend parfois le dessus sur la raison.

C'est avec une certaine inquiétude que j'ai abordé les méandres de la question des écoles du Québec, puisque je suis originaire de l'Ontario. L'histoire complexe de la question des écoles du Québec peut nous en apprendre à tous.

Une fois membre du comité, je m'y suis attaqué pour mieux comprendre les racines enchevêtrées de la question, pour assimiler du mieux que je le pouvais les nombreux articles, études et surtout rapports commandés par différents gouvernements du Québec au cours des dernières années, à partir du rapport articulé de la commission Parent jusqu'au rapport Kenniff, en passant par les conclusions des états généraux. Il est devenu évident pour moi qu'on avait atteint un large consensus en faveur d'une réforme radicale, du moins au sein des élites du Québec.

Claude Ryan, un vieil ami à moi et ministre de l'Éducation de l'époque, avait galvanisé le processus de réforme il y a plus de dix ans, au Québec. Il était tout aussi clair pour moi que les structures scolaires existantes avaient désespérément besoin de changement, surtout à cause du chevauchement des structures scolaires de la province et des contraintes financières de tous les gouvernements.

Plutôt que de vous présenter cette rétrospective, ce serait peut-être plus simple de vous dire comment a évolué ma pensée et quels éléments de preuve m'ont frappé en tant que membre du comité sénatorial permanent chargé de la résolution du Québec demandant une modification de la Constitution.

Je voudrais d'abord dire un mot au sujet des comités et de leurs travaux. Comme tous les sénateurs le savent, le Parlement compte trois types de comités: les comités de l'autre endroit, nos comités sénatoriaux - spéciaux et permanents - et les comités mixtes spéciaux et permanents du Sénat et de la Chambre des communes. Je préfère les comités sénatoriaux.

Les comités sénatoriaux sont moins sectaires, plus minutieux et plus consciencieux. Les comités mixtes constituent un compromis, mais je suis persuadé que le comité mixte spécial qui a étudié le système scolaire au Québec a, pour une grande part, a fait preuve de la minutie et de l'attention qui caractérisent le Sénat.

Comme des sénateurs l'ont souligné, il est vrai que le comité mixte spécial a disposé d'un court délai pour formuler ses recommandations. Cependant, les membres du comité se sont efforcés d'entendre tous les points de vue, contrairement au gouvernement du Québec, qui a décidé de ne pas tenir d'audiences publiques. Cela a rendu notre tâche doublement difficile.

En tant que sénateurs, nous ne ressemblons à aucun autre organisme chargé de recueillir des témoignages. Nous recueillons des témoignages, nous faisons office de conseillers les uns auprès des autres, nous devenons juges et jury. Nous sommes la cour suprême du pays lorsqu'il s'agit d'étudier des mesures législatives. Nous devons examiner avec soin les témoignages présentés aux comités. J'exhorte tous les sénateurs, avant qu'ils ne votent, à revoir de près la transcription complète des témoignages.

Permettez-moi de dire d'entrée de jeu que j'étais très sceptique, surtout après avoir lu la résolution du Québec qui, à deux abstentions près, a été adoptée rapidement et à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, demandant que le gouvernement fédéral modifie l'article 93 de la Constitution en supprimant les paragraphes dont l'application vise le Québec.

Ces articles avaient été incorporés dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Dans son quatrième préambule, la résolution du Québec donnait l'avis de l'Assemblée nationale du Québec que la modification de l'article 93 demandée ne constituait aucunement une reconnaissance par l'Assemblée nationale du Québec de la Loi constitutionnelle de 1982, qui avait été adoptée sans son consentement.

Honorables sénateurs, sachant combien je suis et reste un ardent défenseur de la Loi constitutionnelle de 1982, vous comprendrez combien cela m'a chagriné et préoccupé.

Le premier obstacle que j'ai dû surmonter fut la question de savoir si le texte de la résolution du Québec était à ce point inqualifiable, imbécile et incohérent que les seuls attendus la rendraient inopérable et entraîneraient, par le fait même, le rejet de sa demande, à savoir la modification des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 par le recours aux mécanismes que prévoit la Loi constitutionnelle de 1982.

Je me suis moi-même demandé comment le Québec pouvait demander une modification à une disposition de la Constitution qui est inscrite dans l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique de 1987 et qui figure maintenant dans la Loi constitutionnelle de 1982, alors qu'il reconnaît que la seule méthode dont dispose le Parlement est de passer par la Loi constitutionnelle de 1982.

L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que des modifications peuvent être apportées par le truchement de résolutions adoptées par le gouvernement fédéral et les provinces quand leurs intérêts sont seuls en cause. Il est clair que l'unique autoroute, et même l'unique sentier que le gouvernement du Québec ou l'Assemblée législative du Québec pouvait emprunter pour atteindre son objectif, c'était la Loi constitutionnelle de 1982.

Honorables sénateurs, j'ai ensuite examiné la résolution fédérale, celle précisément qu'on nous a demandé d'étudier. Elle diffère sensiblement de celle du Québec. Vous les trouverez toutes deux en annexe du rapport qui vous est soumis pour étude.

La résolution fédérale invoque non seulement la Loi constitutionnelle de 1982, mais également l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés qui fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982.

J'en ai conclu, après avoir écouté attentivement les conseils juridiques qui ont été dispensés devant le comité, que ce qu'il y a de plus important dans toute résolution constitutionnelle, c'est le libellé de la disposition de modification elle-même. Les attendus sont importants mais, bien que pertinents et légitimes, ils n'ont pas force obligatoire.

Je le répète, la seule façon dont le gouvernement fédéral pouvait accéder à la demande de l'Assemblée législative du Québec, c'était en faisant appel à la Loi constitutionnelle de 1982. Le gouvernement du Québec le savait. Nous, les parlementaires, le savions. Voilà donc pourquoi moi-même et d'autres membres du comité avons insisté pour que des représentants du Québec soient invités, alors que dans la presse, on pouvait lire qu'aucun représentant du Québec ne comparaîtrait à Ottawa.

Enfin, des représentants du gouvernement du Québec ont été priés de se présenter, ce qu'ils ont fait, avec des députés de l'opposition. Ils ont comparu devant le comité afin que ce point, entre autres, puisse être abordé.

Les membres du comité ont été ravis que la ministre de l'Éducation, Mme Marois, et le ministre des Affaires fédérales-provinciales, M. Brassard, acceptent son invitation à comparaître.

Le ministre Brassard a répété la prémisse éculée qu'aucun gouvernement québécois ne se sentira obligé de reconnaître la Loi constitutionnelle de 1982. Puis, le ministre Brassard a reconnu, du même souffle ou presque, que, conformément à la Constitution, conformément à la Cour suprême du Canada, la province de Québec était effectivement liée par la Loi constitutionnelle de 1982. C'est désormais clair et sans équivoque.

Manifestement, et à juste titre, la province de Québec se considère liée par la Loi constitutionnelle de 1982. À partir des témoignages entendus et de mon analyse personnelle, j'en suis venu à la conclusion que le gouvernement fédéral a effectivement le pouvoir, conformément à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, d'accéder à la demande du Québec.

La question de savoir si le Parlement devrait ou voudrait exercer un tel pouvoir est manifestement beaucoup plus difficile. J'en suis aussi venu à la conclusion que cette demande de la province de Québec n'était en aucune façon un précédent et n'avait qu'une incidence très symbolique à l'extérieur des limites de la province de Québec. C'est strictement une affaire entre le gouvernement fédéral et le Québec.

Conformément à notre Constitution, nous reconnaissons que l'éducation relève exclusivement de la compétence provinciale. Il s'agit essentiellement d'une question d'éducation qui relève de la compétence de la province de Québec.

Puis, honorables sénateurs, est survenu le problème plus complexe auquel ont fait allusion les sénateurs Wood, Pitfield, Bolduc, Lavoie-Roux, Kirby et Lynch-Staunton, soit la question de savoir si, en tant que champions de la Constitution, nous, sénateurs, pouvions tolérer qu'une majorité de prétendues «minorités» voie ses droits et ses privilèges réduits. Tous les sénateurs conviendront que l'une des principales fonctions du Sénat est de préserver la Constitution et les droits des minorités prévus dans la Constitution.

Je passe maintenant à la substance de l'article 93, que certains commentateurs qualifient de «déclaration des droits de poche». C'est une fausse appellation.

L'article 93 est en substance une série de privilèges plutôt que de réels droits. À mon sens, de vrais droits sont accordés également à tous les Canadiens. Par conséquent, les privilèges étroits d'accès aux écoles confessionnelles, même si on les appelle des «droits», ne seraient de réels droits que s'ils étaient offerts à toutes les catégories et à toutes les confessions.

Ce n'est manifestement pas le cas ici. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 sont plutôt une collection historique quoique vitale des privilèges constitutionnels consentis à deux groupes religieux de la société canadienne au moment de la Confédération, en 1867. Ces deux seuls groupes étaient, au moment de la Confédération, les catholiques romains et les protestants.

(1750)

L'article 93 soulève un autre problème de taille qui nous permet difficilement de déclarer que les paragraphes visaient des droits complets. À première vue, ces privilèges, ou ces droits restreints, sont accordés uniquement aux commissions scolaires catholiques romaines et protestantes dissidentes des villes de Montréal et de Québec, dans les limites qu'elles avaient à l'époque de la Confédération.

Il m'est donc fort difficile de comprendre comment on peut considérer que les paragraphes de l'article 93 traitent de droits complets. Ces droits ne pourraient certainement être considérés ni comme des droits naturels, ni comme des droits de la personne. Ils pourraient être vus comme des privilèges conférés à des groupes confessionnels se trouvant dans un lieu géographique précis et sûrement étroitement défini.

En dépit de cette difficulté, je croyais que nous avions la responsabilité d'examiner si ces groupes, qu'on disait visés par ces privilèges ou ces droits atténués, acceptaient leur substitution - et non leur diminution ou leur suppression -, aux fins de l'accès à l'enseignement religieux maintenant prévu aux termes des lois québécoises sur l'éducation. Je dis «substitution» parce que, même si les dispositions constitutionnelles sont atténuées, les droits confessionnels avaient déjà été inscrits dans le projet de loi 109 du Québec sur l'éducation et dans les mesures qui y ont conduit. Un net consensus se dégage indiscutablement chez les Québécois sur le maintien d'une certaine forme d'enseignement religieux dans leur système d'éducation.

Il est également clair qu'il y a eu un consensus, malgré quelques dissensions, dans tous les segments de la population québécoise pour réformer le système scolaire selon deux courants linguistiques, deux commissions linguistiques, anglaise et française. Il n'y a aucun doute dans mon esprit à cet égard, compte tenu des témoignages que j'ai entendus.

Nous en arrivons maintenant à la question plus difficile qui oppose les membres du comité - soit celle qui consiste à déterminer s'il y a eu une «majorité» au sein des prétendues «minorités» visées ou jouissant de ces privilèges confessionnels.

Même sur ce point, nous avons eu des problèmes de définition. Un des groupes touchés représente clairement une majorité dans la province de Québec. La majorité de la population au Québec est formée de catholiques romains francophones; il m'est par conséquent difficile de conclure que ce groupe constituait en fait une minorité. Malgré cela, nous avons quand même traité cette majorité comme une minorité.

Je ne répéterai pas les questions que le sénateur Stewart a posées hier à propos de l'article 93 et de sa portée limitée, mais j'incite tous ceux qui étudient la Constitution à examiner l'article 93 et à constater que même les paragraphes de l'article 93, dans la mesure où cet article s'applique à la province de Québec, ont une portée beaucoup plus restreinte qu'on le comprend clairement au Sénat. Je n'aborderai pas cet aspect du débat. Cela prendrait une demi-heure, mais je serais heureux d'en parler en privé avec les sénateurs qui s'intéressent à la question.

Nous avons entendu un vaste éventail de témoignages, concluants et clairs. Je voudrais passer brièvement en revue les témoignages qui ont amené le comité à conclure qu'une forte majorité de prétendues minorités étaient touchées.

Nous avions une résolution adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale du Québec, par les deux partis, avec deux abstentions. Nous avons entendu deux ministres du Québec. Nous avons entendu le ministre fédéral. Les efforts déployés par les ministres québécois semblaient assurer qu'un consensus solide avait été établi.

Nous avons entendu les témoignages directs de 68 groupes représentés par une centaine de témoins individuels. Malgré les brefs délais que nous imposait notre mandat, comme l'a rappelé le sénateur Lynch-Staunton, le comité a clairement entendu tous les points de vue que les gens ont voulu exprimer.

J'entends le sénateur Wood. J'aborderai ses sujets de préoccupation dans un instant.

Bien que certains groupes individuels n'aient pas témoigné, comme le sénateur Wood l'a fait remarquer, après avoir examiné les mémoires qu'ils ont présentés, j'en suis arrivé à la conclusion que leur point de vue avait été exprimé par d'autres témoins au cours des audiences. Je crois qu'aucun point de vue n'a été exclu de nos délibérations.

Par conséquent, puisque aucun point de vue n'a été exclu, j'en conclus que nous avions entendu tout le monde. En effet, il n'y a eu aucune précipitation pour en arriver à un jugement, car je ne me serais jamais prêté à cela. Les délais impartis pour la tenue des audiences n'ont en rien diminué la capacité pour le comité de recueillir les témoignages ou de les analyser. Le comité en a fait un examen approfondi. Aucun point de vue n'a échappé à notre examen, sauf celui que le Parti réformiste a exprimé à la dernière minute, et j'en parlerai tout à l'heure.

Permettez-moi de rappeler brièvement quels témoins nous avons entendus. Il y a eu une résolution qui a été adoptée à l'unanimité, moins deux abstentions, à l'Assemblée nationale du Québec. Nous avons entendu des députés de l'opposition à l'Assemblée nationale du Québec et des représentants du gouvernement du Québec; des représentants des commissions scolaires anglaises et françaises; des groupes d'enseignants catholiques, protestants et autres; des archevêques de l'Église catholique et l'archevêque de l'Église anglicane du Québec, dont je reparlerai plus tard; des groupes minoritaires représentant notamment des juifs, des arabes et des non-catholiques et d'autres groupes d'allophones; des groupes d'étudiants anglophones et francophones. Tous ont convenu que l'établissement de commissions scolaires linguistiques, qui sera une conséquence directe de cette modification, est une mesure souhaitable et progressiste.

Il y a eu certaines opinions divergentes. Je vais parler brièvement de cela, comme l'a fait le sénateur Bolduc dans son discours très inspiré, notamment par rapport à la situation difficile de certains protestants francophones et de certains catholiques anglophones. Il est indiscutable que certains membres de ces deux groupes s'estiment lésés.

Je le répète, en vertu de la loi 109 actuellement en vigueur au Québec, les dispositions dérogatoires ont été invoquées relativement à la Charte québécoise et à la Charte fédérale des droits et libertés, ce qui a permis la poursuite de l'enseignement confessionnel.

Il est beaucoup plus difficile de prédire les possibilités que le gouvernement du Québec continuera d'offrir pour l'enseignement confessionnel. Cependant, d'après tous les témoins que j'ai entendus et soigneusement contre-interrogés, il me semble clair que la majorité des soi-disant minorités était en faveur de ce changement. Il a semblé y avoir quelques exceptions d'entrée de jeu dont il faudra tenir compte.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre le sénateur, mais ses 15 minutes sont écoulées. Permission est-elle accordée au sénateur Grafstein de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Alliance Québec, le principal groupe anglophone, a tout d'abord semblé s'opposer à la modification à l'article 93. Cependant après avoir contre-interrogé ses représentants - et c'est là un des avantages des audiences en comité - nous avons constaté qu'ils ne s'opposaient pas vraiment à la modification à l'article 93. Ils déploraient plutôt le fait que l'alinéa 23(1)a) de la Charte ne soit pas proclamé au Québec.

Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a si bien dit, il s'ensuit qu'il y a deux catégories de citoyens au Québec. Si vous êtes anglophone et que vous venez de l'extérieur du Canada, le gouvernement du Québec mettra vos enfants à l'école française. C'est injuste. Ils ne sont pas sans recours, et j'aborderai cette question tout à l'heure.

Toutefois, c'est une question de droits linguistiques. Dans le cas qui nous intéresse, il ne s'agit pas de droits linguistiques, mais plutôt de droits religieux.

Le sénateur Pitfield a soulevé la même préoccupation, laquelle était partagée par les autres membres du comité et moi. En contre-interrogeant Alliance Québec, il est apparu évident que cet organisme ne s'opposait pas aux modifications proposées à l'article 93, mais qu'il souhaitait plutôt l'application de l'alinéa 23(1)a). L'application de ce dernier requiert une proclamation de la province de Québec, et pareille proclamation ne relève pas, bien sûr, de la compétence fédérale. Nous y avons renoncé en 1982.

Le sénateur Pitfield le sait fort bien. Il était l'un des architectes de la Loi constitutionnelle de 1982. Il est clair qu'il appartient absolument à l'Assemblée législative du Québec, si tel est son désir, de proclamer l'alinéa 23(1)a). Nombre d'entre nous sont mécontents de la non-application de l'alinéa 23(1)a). Les enfants de plus de 13 000 familles ne peuvent aller à l'école anglaise parce que la province de Québec refuse de proclamer l'alinéa 23(1)a).

Le sénateur Lynch-Staunton: Qui l'a mis là?

Le sénateur Grafstein: Pourtant, tout ce que les représentants de cet organisme voulaient, c'était que le gouvernement fédéral s'engage fermement à poursuivre la lutte pour la proclamation de l'alinéa 23(1)a) par le Québec. Ces groupes ne s'opposaient pas à l'article 93. Ils voulaient plutôt profiter de l'occasion pour demander au gouvernement du Québec de proclamer l'alinéa 23(1)a). Or, il est évident que le gouvernement du Québec n'était pas disposé à le faire.

Le deuxième groupe, formé des autochtones du Québec, a soutenu que cette résolution portait préjudice à ses droits. Le rapport disait clairement - et nous sommes venus à cette conclusion avec l'aide des conseils juridiques et des déclarations des ministres fédéraux et de ceux du Québec - que les droits des autochtones n'étaient aucunement touchés par cette résolution. Nous l'avons dit dans le rapport.

Cela laisse deux groupes, petits, mais importants, qui affirment que la modification leur portera préjudice. Il n'est pas certain que tous les membres de ces deux groupes s'opposent à la modification. Ce sont les deux groupes dont le sénateur Bolduc a parlé.

Ces groupes avaient leurs porte-parole. Il s'agit des franco-protestants et d'un petit groupe de catholiques de langue anglaise. Les catholiques étaient représentés par des prêtres anglophones.

Dans son discours réfléchi, le sénateur Bolduc a fait allusion à ces groupes. Ils représentent moins de 1 p. 100 de la population estudiantine.

Son Honneur le Président: Je regrette, mais je dois interrompre l'honorable sénateur à nouveau. L'horloge indique 18 heures.

Le sénateur Carstairs: Nous nous sommes entendus pour ne pas voir l'heure, Votre Honneur.

Le sénateur Grafstein: Je ne sais trop si ces porte-parole représentaient tous les membres des groupes pour qui ils parlaient. Cela étant dit, leurs droits ne nous sont pas indifférents.

(1800)

Cependant, il est clair qu'il y aura encore de l'enseignement confessionnel au Québec, c'est prévu dans la loi.

Il est difficile de voir comment leur accès à des cours de religion dans le système scolaire public pourrait être abrogé à court terme. Évidemment, on peut se consoler en pensant que, contrairement à ce qui était le cas en Ontario pendant des années, l'enseignement confessionnel minoritaire au Québec a été assuré en partie grâce à des fonds publics. En d'autres mots, comme le sénateur Lavoie-Roux l'a souligné, en Ontario, contrairement au Québec, les autres écoles religieuses ou confessionnelles n'étaient pas financées par l'État. Dans les faits, le Québec a été plus progressiste que l'Ontario lorsqu'il s'est agi de financer les groupes minoritaires religieux à même les deniers publics. Je félicite le Québec pour cela.

Je voulais faire ressortir ce point parce que cela me touche personnellement. Mes deux fils ont fait toutes leurs études primaires dans des écoles privées en Ontario, parce que je tenais à ce qu'ils aient une éducation religieuse. Pourtant, je payais la totalité de mes taxes scolaires, sans subventions ni déductions, et ce que je payais allait au système scolaire public et aux écoles catholiques.

Il y a toujours du financement public pour l'enseignement confessionnel au Québec. J'ai du mal à voir comment, à l'avenir, le Québec, même s'il laisse tomber la disposition de dérogation, pourrait ne pas continuer à financer la formation confessionnelle. Qu'il s'agisse d'écoles à charte, du réseau public ou d'écoles privées subventionnées par l'État, la formation confessionnelle pour tous les groupes continuera au Québec dans un avenir prévisible, à mon avis.

Puisque nous nous préoccupons de l'avenir, voilà ce que je prévois.

Je voudrais revenir sur un autre aspect du témoignage auquel fait allusion l'opinion réformiste jointe au rapport.

À la dernière minute, après tous les témoignages, les membres réformistes du comité ont présenté une longue pétition de milliers de noms s'opposant à la résolution fédérale. Ces gens ont eu parfaitement l'occasion de faire valoir leurs vues au cours des audiences. Nous ne leur avons pas refusé cette possibilité. Par contre, le Parti réformiste ne nous a pas donné l'occasion de contre-interroger ces pétitionnaires ni de nous faire une idée de la valeur à accorder à cette pétition, pour peu qu'elle en ait une.

Je vais conclure, honorables sénateurs, en disant que, d'après l'écrasante majorité des témoignages, la plupart des minorités touchées par ces droits et ces privilèges sont en faveur des amendements.

Les archevêques catholiques du Québec et l'archevêque anglican ont envoyé des lettres disant clairement qu'ils ne s'opposent pas à l'amendement.

Je vais donner lecture de ces lettres, car elles sont importantes.

J'ajoute cela au passage, sachant fort bien que Son Éminence le cardinal Carter n'aurait pas fait secret de ses objections si, alors qu'il représentait les catholiques de l'Ontario, il avait été opposé à une modification constitutionnelle qui s'applique au Québec. Ce n'est pas un homme timoré qui a peur de dire ce qu'il pense.

La situation n'est pas la même au Québec. Je vais lire un passage de la même lettre que le sénateur Lynch-Staunton. Il s'agit du troisième paragraphe de la première page de la lettre que l'Assemblée des évêques du Québec a écrite à l'honorable Stéphane Dion le 30 septembre:

Néanmoins, notre assemblée ne s'est pas opposée au choix de modifier l'article 93. Nous avons toujours eu la conviction que le choix des moyens relevait des autorités politiques.

Ils ne se sont pas opposés.

L'archevêque anglican Andrew S. Hutchison écrit ceci, au deuxième paragraphe de sa lettre du 3 novembre:

Les amendements proposés à l'article 93 par le gouvernement du Québec, qui le soustrairaient à l'obligation d'avoir des commissions scolaires confessionnelles, nous semblent raisonnables et respectueux des positions traditionnelles de l'Église anglicane.

Honorables sénateurs, les principaux représentants des grands groupes de catholiques et de protestants ne se sont pas dits contre ces changements. Cela ne veut pas dire que la démarche a été parfaite. Nous demeurons mécontents que le problème de l'alinéa 23(1)a) reste entier et que cette disposition n'ait pas été proclamée et ne s'applique pas au Québec. Nous sommes toujours mécontents que le gouvernement fédéral ne dise rien de ce problème qui touche 13 000 familles d'origine anglophone au Québec. Nous sommes nombreux à déplorer la position que le gouvernement fédéral a adoptée à l'égard de cet alinéa à l'époque et aujourd'hui encore.

Tout comme le sénateur Pitfield et d'autres, j'ai des préoccupations à cet égard. Toutefois, malheureusement, j'ai une bonne mémoire et je me souviens très bien que la Constitution de 1982, pour laquelle le sénateur Pitfield a joué le rôle de conseiller fédéral principal, était un document minimaliste et non maximaliste. C'est le sénateur Pitfield et les autres qui étaient au pouvoir à ce moment-là qui ont déterminé que, pour que la Constitution de 1982 soit adoptée, il fallait que le Québec ait la possibilité de proclamer l'alinéa 23(1)a) et que la disposition d'exemption soit intégrée dans la Constitution de 1982 pour neutraliser la Charte, ces deux grandes sources de nos préoccupations actuelles.

Beaucoup d'entre nous se sont opposés énergiquement alors - et le font encore aujourd'hui - à ce qu'on donne ces options au Québec. Mais cela fait partie du passé. Poussés par les autres provinces, notamment le Manitoba, beaucoup d'entre nous se sont opposés à la disposition d'exemption. Le sénateur Pitfield était là. Il comprenait cela. Je me souviens très bien de l'agitation des partisans libéraux au Québec. Je voudrais mentionner spécialement le regretté Norman Wood, un fédéraliste acharné et l'époux de notre collègue le sénateur Wood, qui ne voulait absolument pas qu'on donne au Québec le droit de proclamer l'alinéa 23(1)a) et qui n'était vraiment pas d'accord avec le gouvernement fédéral au sujet de la disposition d'exemption. Je m'en rappelle très bien.

Aussi imparfaite que la Constitution de 1982 ait pu être en ce qui concerne ces deux aspects, le comité mixte spécial a néanmoins vécu un moment marquant. En effet, pour la première fois depuis 1982, deux ministres du Québec ont comparu devant un comité mixte conjoint du Parlement à Ottawa et, dans le cadre d'audiences publiques, ont reconnu de fait et de droit la Constitution de 1982. Honorables sénateurs, c'est là le triomphe de la patience et une victoire pour tous les Canadiens. La Charte, malgré ses failles, était une source d'égalité et de pluralisme au Canada, quelque chose de nouveau et d'excitant.

Le pluralisme et les nouvelles caractéristiques démographiques ont été à la base des arguments présentés par les députés bloquistes. Ils ont parlé de pluralisme pour la toute première fois. Il est certain que, avec de la patience, les bonnes idées peuvent s'enraciner et finir par porter fruits.

Par contre, les députés réformistes, qui prétendent que l'égalité de tous les Canadiens est à la base de leur idéologie politique, n'ont pas jugé bon de corriger l'inégalité créée par l'article 93 lorsque l'occasion s'est présentée.

Honorables sénateurs, j'appuie entièrement le rapport et la résolution fédérale. Le parcours ne sera pas facile pour les enseignants, les parents et les élèves au Québec. La réforme des systèmes scolaires, comme nous l'avons vu ces derniers jours en Ontario, peut se révéler difficile et receler de nombreux périls et malentendus. Toutefois, je ne peux qu'être impressionné par le désir de la province de Québec et de ses citoyens de réformer et de moderniser leur système scolaire, afin que la prochaine génération de Canadiens, nés et éduqués au Québec, et les autres puissent participer activement à l'économie canadienne moderne.

Pour paraphraser ce qui disait Laurier il y a 100 ans, le XXIe siècle sera celui du Canada.

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Je voudrais demander au sénateur Grafstein comment il peut affirmer - nous n'avons peut-être pas assisté à la même rencontre - qu'Alliance Québec est en faveur de l'abolition de l'article 93?

À l'instar de la plupart des gens, Alliance Québec était en faveur des commissions linguistiques, mais pour ce qui est de l'abolition de l'article 93, non seulement leurs représentants nous ont signifié quand ils ont comparu devant notre comité qu'ils étaient contre, mais ils nous ont écrit pour confirmer de nouveau qu'ils n'approuvaient pas l'abrogation de l'article 93. Cependant, le sénateur Grafstein a mentionné - et je suis contente qu'il s'en soit rappelé - que tant les protestants francophones que les catholiques anglophones étaient contre l'abolition de l'article 93, même s'ils étaient en faveur des commissions scolaires linguistiques.

Ce n'est pas seulement la minorité au sein de la majorité, comme dans le cas des protestants francophones, mais également Alliance Québec qui se sont prononcés contre ce projet.

Il reste encore bien des points que je voudrais faire valoir, mais comme nous avons peu de temps, je m'arrêterai ici.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je renvoie ma collègue à la transcription des délibérations. J'ai moi-même questionné les représentants d'Alliance Québec. Je leur ai demandé s'ils s'opposaient ou non à l'article 93 ou s'ils ne cherchaient pas à camoufler leurs véritables sentiments pour inciter le gouvernement fédéral à faire respecter l'alinéa 23(1)a).

(1810)

Lisez la transcription des délibérations. Si on semble ne pas s'entendre sur les témoignages qui ont été recueillis, au lieu de se fier à ma parole ou à celle de mon honorable collègue d'en face, avec qui je suis en désaccord, les sénateurs devraient consulter la transcription. C'est tout ce qu'il y a de plus clair.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je crois que tous les sénateurs auraient voulu lire le compte rendu, mais nous n'en avons pas eu le temps.

Le ministre a comparu devant le comité le 4 novembre. Je lui ai demandé s'il croyait que les minorités seraient aussi bien protégées par l'article 23 de la Charte que par l'article 93 de la Constitution et il m'a répondu qu'elles ne seraient pas aussi bien protégées.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je n'ai pas à parler au nom du ministre et je refuse de le faire. Nous différons d'opinion au sujet de l'alinéa 23(1)a) de la Charte.

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, j'ai une question pour l'honorable sénateur.

Je ne partage pas son point de vue au sujet du consensus. La Fédération des comités des parents de la province de Québec est un groupe mandaté par l'Assemblée nationale pour représenter tous les parents et toutes les écoles du Québec. Ses représentants ont comparu devant le comité. Le président, M. Gary Stronach, à qui on a demandé si les membres étaient au courant, a répondu, et cela figure dans sa lettre, qu'il n'avait pas consulté les membres. Il a dit qu'il n'avait pas demandé aux parents s'ils étaient pour ou contre la modification de l'article 93.

C'est l'un des plus imposants groupes au Québec. Si M. Stronach fait partie de la théorie du «pour» ou «contre», le concept proposé par l'honorable sénateur pose un problème.

Le sénateur a parlé des États généraux de l'éducation, mais il n'a pas fait référence à leur rapport minoritaire, qui couvre plus de 70 p. 100 des membres. Comment se fait-il que mes chiffres soient différents de ceux présentés par l'honorable sénateur?

Le sénateur Grafstein: Encore une fois, honorables sénateurs, c'est une question de fait. Je renvoie tous les honorables sénateurs au compte rendu.

Je voudrais dire en particulier que nous avons affaire à des élites par opposition aux groupes qu'elles représentent. Nous avons demandé à ces représentants durant les audiences si ceux qu'ils représentaient partageaient leur position.

En ce qui concerne les catholiques, nous avons entendu le point de vue des archevêques, aussi limité soit-il. Nous avons entendu des représentants des commissions scolaires et des enseignants catholiques. Je me souviens avoir demandé à des enseignants catholiques s'ils avaient discuté des changements avec les étudiants et leurs parents. Leur position était qu'ils représentaient le vaste consensus des parents et étudiants à l'égard de cette modification. Tous les parents voulaient une réforme du système scolaire, et c'était le meilleur moyen de le faire.

Ce n'est pas parfait, je suis d'accord là-dessus avec le sénateur Lynch-Staunton, le sénateur Wood et le sénateur Lavoie-Roux. Toutefois, outre les témoignages, il y a aussi eu les sondages d'opinion qui semblaient suggérer un vaste appui en faveur d'une réforme comme celle-ci.

Oui, la résolution n'est pas parfaite. Nous aurions voulu faire les choses à notre façon, «our way», comme Frank Sinatra avait l'habitude de dire, mais nous devons traiter avec la province de Québec. Nous avons dû adapter des outils imparfaits pour qu'ils correspondent à nos exigences minimales. À mon avis, ils ne correspondent pas à nos exigences minimales, mais à nos exigences raisonnables pour une modification constitutionnelle.

Le sénateur Wood: N'est-il pas vrai que dans la lettre provenant des évêques du Québec - la lettre que le sénateur a lue - ces derniers se disaient en faveur de l'abrogation de l'article 93? Qu'ils contestaient les droits linguistiques et suggéraient que les garanties confessionnelles établies par la loi 107 soient maintenues? C'est une précision que mon honorable collègue a oublié de lire.

Le sénateur Grafstein: Il m'est difficile de défendre la théologie catholique, encore moins les lettres d'archevêques catholiques. À chaque sénateur de conclure ce qu'il veut à propos du témoignage et des lettres, qui sont annexées au rapport.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein a tout à fait raison de dire qu'une réforme est nécessaire. En fait, elle est déjà bien avancée au Québec. Il semble que le nouveau système sera en place pour la prochaine année scolaire. De nouvelles commissions linguistiques seront créées. On s'attend à quelques problèmes mais, dans l'ensemble, les choses se passent très bien.

Ma question est la suivante: pourquoi devons-nous accepter que le Québec ne soit pas assujetti aux dispositions de l'article 93? Quel rapport y a-t-il entre le nouveau système scolaire au Québec et la demande visant à exempter le Québec de certaines exigences de l'article 93? Je n'en vois pas.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, il y a le droit constitutionnel. Le Québec veut se conformer à la primauté du droit. Il veut rénover son système dans le respect de la primauté du droit et de la Constitution.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tel n'est pas le sens de ma question.

Le sénateur Grafstein: Mon honorable collègue a demandé pourquoi le Québec ne peut pas aller de l'avant. J'imagine que s'il a décidé d'aller de l'avant, c'est qu'il le peut. Par ailleurs, pourquoi le Sénat devrait-il permettre à une province d'agir d'une façon que nous croyons illicite? Quand on propose de modifier la Constitution, chaque sénateur, en son âme et conscience, après examen des témoignages, doit en venir à une conclusion. Il doit voter pour ou contre la résolution ou bien s'abstenir de voter sur la résolution.

Je me trouve ici dans l'étrange position de devoir défendre le Québec. Quoi qu'il en soit, je considère que sa position est légale et légitime. Il veut se conformer à la loi, tout comme Terre-Neuve. Il veut se conformer à la Constitution. S'il présente une proposition de modification constitutionnelle en bonne et due forme, je serai le premier à y souscrire, même si je me méfie de sa motivation et de ses propos. Mais pour ce qui est de la primauté du droit, je n'ai d'autre choix que de m'y plier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ma question n'a rien à voir avec cette réponse. Ma question a trait au fait que la réforme du système scolaire du Québec est déjà entamée et qu'elle se poursuivra, que l'article 93 soit modifié ou non. L'article 93 protège deux confessions. Il a été renouvelé en 1992 et il est maintenant protégé par la Charte. Le Québec a enfin adopté un système scolaire linguistique qui semble très prometteur et qui sera mis en oeuvre sans que soit modifié l'article 93, alors que Terre-Neuve doit obligatoirement faire modifier la clause 17 s'il veut instaurer un système scolaire non confessionnel. Les deux résolutions diffèrent sensiblement quant à leur contenu et à leur objet.

Je le répète, ma question a trait au fait que la mise en oeuvre du nouveau système scolaire linguistique est déjà amorcée. Il y aura des élections à l'échelon des commissions scolaires en juin. Il est à espérer que tout sera fin prêt en septembre, dans moins d'un an.

Pourquoi alors devons-nous modifier l'article 93? Quel sera l'impact de la modification, ou de la non-modification, de l'article 93 sur un processus déjà amorcé?

Le sénateur Grafstein: Encore une fois, honorables sénateurs, il y a deux solitudes ici. Je crois que l'éducation est un domaine essentiellement provincial.

Le sénateur Lynch-Staunton: Là n'est pas la question.

Le sénateur Grafstein: C'est inscrit dans la Constitution.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'en disconviens pas.

Le sénateur Grafstein: C'est ce que dit l'article 93.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, l'article 93 ne dit rien de la sorte.

Le sénateur Grafstein: La province de Québec, par le truchement de son Assemblée nationale dûment élue, a demandé une résolution de modification de la Constitution. Comment puis-je demander à ces gens de respecter la Constitution si je ne la respecte pas moi-même? Je respecte la Constitution.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une requête légitime présentée de manière légitime. Certains mots sont peut-être infâmes, mais tout a été fait selon les règles et je suis prêt à approuver cette demande. À mon avis, la décision de procéder à la réforme avant que nous ayons légiféré de quelque façon que ce soit appartient entièrement à la province; elle ne me concerne pas. Mon rôle à moi est de faire respecter la Constitution lorsqu'on nous demande de respecter les processus établis en vertu de la Constitution.

Le sénateur Lynch-Staunton: La réforme du système scolaire au Québec n'a rien à voir avec la Constitution et encore moins avec l'article 93. Ce fait a été reconnu devant le comité.

Je vais vous donner la réponse à ma question, et elle devrait nous troubler tous profondément. La réponse, c'est que le Québec ne veut plus enseigner les religions catholique et protestante dans ses écoles publiques. La demande n'est aucunement liée au système scolaire linguistique qui sera mis en oeuvre - si l'échéancier est respecté - avant le début de la prochaine année scolaire. Ils veulent supprimer l'enseignement religieux, qui leur est imposé pour le moment. Même si on peut le qualifier d'étroit, d'injuste et de discriminatoire, l'article 93 a été renouvelé en 1982 et protégé contre la Charte il y a 15 ans à peine. Voilà le vrai motif. Souhaitons-nous cautionner cette démarche?

Il ne faut pas mélanger réforme du système et retrait des droits constitutionnels et juridiques de deux confessions religieuses identifiées. C'est pourtant ce qu'on nous demande de faire.

Mon opinion personnelle, c'est que la religion n'a pas sa place dans nos écoles, mais c'est probablement une opinion vieillotte aujourd'hui. Je ne sais pas. Je pense que la religion devrait être enseignée à la maison ou dans les lieux du culte. L'école ne devrait pas être une extension de ce qui se passe là. Toutefois, je n'insisterai pas là-dessus.

(1820)

Ce que je me dis, c'est que l'on demande au Parlement de retirer des droits juridiques. J'espère que le sénateur Grafstein admettra au moins que le ministre devrait venir au comité plénier, lorsque nous étudierons la résolution, pour répondre à des questions.

Est-il d'accord avec moi pour que nous invitions le ministre a assister au débat et à répondre à des questions?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'essaie de suivre les pratiques et procédures du Sénat. Je parle du rapport du comité mixte spécial. Pour moi, la question est d'élucider ce rapport pour les sénateurs. Pour moi, les témoignages et les conséquences sont clairs. Il y a peut-être d'autres preuves ailleurs, il y a peut-être des gens qui ont d'autres points de vue, mais j'ai ce qui a été dit au comité. Je ne dirais pas que c'est absolument sans équivoque, mais c'est suffisamment clair pour me convaincre que nous avons surmonté assez d'obstacles pour pouvoir appuyer ces résolutions fédérales. C'est ce que j'ai dit dans mon discours. Lisez les témoignages. Lisez le compte rendu. Il est clair.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, j'ai écouté bien attentivement votre plaidoyer. Vous avez plaidé comme un bon avocat. Il n'y a pas de doute là-dessus. Mais au fond, ce que vous nous avez dit, c'est que le Québec doit régler son problème d'éducation pour savoir s'il va y avoir des garanties d'enseignement confessionnel dans les écoles. Vous dites que c'est un problème provincial. Ils le débattront d'ici 1999 puis ils se brancheront, on n'a pas à régler cela ici.

Dans mon discours, je prétends que l'on n'a pas du tout de garantie que cela va se produire. Avec l'article 93, le droit à la dissidence était constitutionnalisé et là, il ne le sera pas. On connaît l'opinion du Parti québécois là-dessus, c'est pour cela que c'est embêtant.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: La question de mon collègue se divise en deux parties.

Sa première question: y a-t-il une proposition de modification constitutionnelle qu'il faudrait appuyer? Ma réponse est oui.

Quant à sa deuxième question, je lui réponds qu'il a raison. Une fois cette modification adoptée, ce sera à la province de Québec et aux intéressés dans cette province de décider de l'organisation du système d'éducation.

J'aimerais que l'Alberta fasse les choses comme nous les faisons en Ontario. Il y a peu de chances que cela arrive. J'aimerais que Terre-Neuve fasse les choses que nous faisons dans le domaine de l'éducation en Ontario, mais, là encore, il y a peu de chances que cela se produise.

Honorables sénateurs, je crois que nous nous sommes acquittés de nos responsabilités constitutionnelles si tous les sénateurs sont personnellement convaincus que la majorité des minorités est d'accord. Selon les preuves qu'on nous a présentées - ici-même, sous nos yeux - c'était nettement le cas. C'est pourquoi j'appuie le rapport et la résolution.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Pépin, appuyée par l'honorable sénateur Lucier, propose que ce rapport soit adopté.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

[Français]

 

Le Québec

Les commissions scolaires linguistiques-Motion tendant à modifier l'article 93 de la Constitution-Ajournement du débat

L'honorable Fernand Robichaud, au nom du sénateur Graham, conformément à l'avis du jeudi 2 octobre 1997:

ATTENDU: que le gouvernement du Québec a fait connaître son intention de mettre en place des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones au Québec;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution autorisant la modification de la Constitution du Canada;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, notamment le droit, exercé conformément aux lois du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle et qui sont financés à même les fonds publics;

QUE l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et à des établissements d'enseignement que la minorité linguistique gère et contrôle et financés sur les fonds publics;

QUE l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

 

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

LOI CONSTITUTIONELLE DE 1867

1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit :

«93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.»

 

TITRE

2. Titre de la présente modification: «Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (Québec)».

- Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec.

Le comité mixte spécial sur lequel j'ai eu l'honneur de siéger a eu comme mandat d'étudier la modification que l'on proposait d'apporter à l'article 93. Aujourd'hui, nous avons devant nous la résolution visant à modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

En bref, j'appuie cette résolution. La suppression des privilèges liés à la protection constitutionnelle de l'enseignement confessionnel, privilèges dont profite une partie mais non la totalité des parents du Québec, est une question qui a fait l'objet d'un débat complet et libre dans la province de Québec. La vaste majorité de la société québécoise, je crois, considère cette modification constitutionnelle comme une étape indispensable pour que le système scolaire puisse être réorganisé en fonction de paramètres linguistiques, et la majorité des gens concernés souhaitent l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Je suis également convaincu que la majorité des parents catholiques du Québec qui profitent des garanties de l'article 93 sont favorables à cette modification, de même que la majorité des parents protestants qui sont dans le même cas.

Honorables sénateurs, la résolution dont nous sommes saisis est très claire: elle propose que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 cessent de s'appliquer à la province de Québec. Comme c'est actuellement le cas, toutes les provinces canadiennes, y compris le Québec, seront autorisées en vertu de la Constitution à légiférer en matière d'éducation. Toutefois, l'Assemblée nationale québécoise ne sera plus assujettie aux lois antérieures à la Confédération concernant l'enseignement confessionnel.

Ces lois québécoises antérieures à la Confédération, qui portent sur l'enseignement confessionnel catholique et protestant, ont entraîné la création d'un système inhabituel, qui donnait aux parents catholiques et protestants des droits différents, selon l'endroit où ils étaient domiciliés dans la province.

Ainsi, on trouve des commissions scolaires catholiques et protestantes protégées par la Constitution à l'intérieur des anciennes limites des villes de Montréal et de Québec. Ailleurs dans la province, les commissions scolaires catholiques ne sont protégées par la Constitution que dans les districts à prédominance protestante où les parents catholiques sont en minorité.

À l'extérieur de Montréal et de Québec, la Constitution protège les commissions scolaires protestantes si, dans un district à majorité catholique, les parents protestants sont en minorité.

Honorables sénateurs, la réforme de l'enseignement fait partie des préoccupations des gouvernements du Québec depuis plus de 30 ans. Et l'un des sujets qui revient constamment depuis la parution du rapport Parent, dans les années 1960, est celui de la mise en place de commissions scolaires fondées sur les deux langues officielles du Canada. Le défi persistant consistait à concilier les commissions scolaires linguistiques avec la garantie constitutionnelle protégeant les écoles catholiques et protestantes de Montréal et de Québec. Même si la Cour suprême du Canada a approuvé le système envisagé dans le projet de loi 107, la coexistence théorique de commissions scolaires linguistiques et confessionnelles s'est avérée impraticable.

Manifestement, c'est surtout à Montréal qu'il apparaît le plus difficile de mettre en place des commissions scolaires linguistiques sans devoir supporter un chevauchement et une interpénétration des structures. Mme Lorraine Pagé, de la Centrale de l'enseignement du Québec, nous disait devant le comité qu'on retrouverait à Montréal, et je cite:

[...] un conseil scolaire francophone dans lequel on aura un secteur catholique, un secteur protestant, un secteur autre; un conseil scolaire anglophone dans lequel nous aurons un secteur catholique, un secteur protestant, un secteur autre plus, en s'ajoutant à cela une commission scolaire pour francophones dans laquelle il faudra offrir une commission scolaire - il y en a tellement qu'on se mêle - pour catholiques, dans laquelle il faudra offrir des services aux francophones et anglophones, et un autre conseil scolaire pour protestants, dans lequel il faudra offrir des services aux francophones et aux anglophones.

Cela signifie qu'il existerait, à tout le moins, quatre conseils scolaires obligatoires et distincts, dont deux posséderaient chacun trois secteurs obligatoires et les deux autres, deux secteurs obligatoires chacun. Selon le mot du témoin, ce serait là un véritable «empilage» des structures organisationnelles. La même chose serait vraie de la ville de Québec. Tout cela entraînerait des dépenses et des complications inutiles dans l'admission annuelle des élèves, l'affectation du personnel, la répartition des ressources et l'établissement des listes d'électeurs.

Il semble que c'est d'ailleurs l'avis de certains des témoins qui ont comparu devant le comité mixte spécial, que le débat sur l'éducation qui dure depuis 30 ans au Québec ne porte pas exclusivement sur l'opportunité de libérer le gouvernement du Québec des contraintes découlant des paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Et même si c'était le cas, dans les cinq grandes consultations publiques menées au cours des cinq dernières années, la réforme de l'enseignement public au Québec était la grande question - et ce sont les structures organisationnelles garanties par l'article 93 qui, manifestement, faisaient obstacle. Ce débat très public soulevait nécessairement la question de savoir s'il y avait lieu de modifier la Constitution pour résoudre le problème.

Devant les propos des nombreux témoins, le comité a été mis devant le fait que la majorité des deux groupes touchés - soit les parents catholiques et protestants - appuyaient la modification de l'article 93.

Un des éléments de ce dossier qui a été souvent mentionné est celui de l'approbation unanime par l'Assemblée nationale du Québec du projet de loi 109 et de la modification à l'article 93. Ces votes unanimes sont significatifs, mais ils ne permettent pas de conclure à l'existence d'un consensus parmi les catholiques et les protestants dont les privilèges sont en jeu. L'unanimité prouve néanmoins que l'adhésion des députés se situe au-dessus des partis représentés à l'Assemblée nationale. Le gouvernement péquiste actuel hésitait à proposer la modification, car elle supposait obligatoirement le recours à la formule d'amendement contenue dans la Loi constitutionnelle de 1982, une loi que ce gouvernement affirme ne pas reconnaître. Le gouvernement a fini par céder aux pressions des députés libéraux, membres de l'opposition officielle.

Certains ont dit craindre que le débat sur l'unité du Canada ne détourne l'attention de la substance de la modification. Si la seule préoccupation des membres du comité mixte spécial avait été de prouver que «le fédéralisme fonctionne», ils n'auraient pas insisté pour entendre ces témoignages démontrant l'existence de consensus parmi les parents catholiques et parmi les parents protestants. D'entrée de jeu, le gouvernement du Québec a donné à ce Parlement l'assurance qu'il existait dans cette province un consensus approprié en faveur de la modification. Mais les membres du comité ont néanmoins voulu examiner et remettre en cause ces affirmations - à un tel point qu'au bout du compte, les ministres québécois de l'Éducation et des Affaires intergouvernementales ont comparu devant le comité, de même que les porte-parole de l'opposition officielle pour les mêmes portefeuilles. Manifestement, l'enjeu résidait - et réside toujours - dans la légitimité de la modification.

On a aussi souvent mentionné que, par suite des décisions de la Cour suprême du Canada, il est maintenant évident que les droits effectivement garantis par l'article 93 ne sont pas aussi larges qu'ils ne le paraissaient auparavant. Toutefois, nous ne croyons pas que la modification était justifiée parce que les droits à l'enseignement confessionnel garantis par l'article 93 n'étaient guère que des coquilles vides. Si nous avions été convaincus que la majorité des catholiques ou la majorité des protestants du Québec étaient opposés à la modification, le fait que leurs droits pèsent lourd ou non ne serait pas entré en ligne de compte. Je pense que le sénateur Lavoie-Roux avait tout à fait raison lorsqu'elle faisait remarquer que les minorités ont souvent besoin d'une protection spéciale pour assurer le libre exercice de leurs droits. Cependant, il est possible de réduire ou de supprimer cette protection spéciale si la majorité de cette minorité donne son aval au changement.

Il s'agissait alors de savoir pourquoi une majorité au sein de ces deux groupes était disposée à renoncer à ses privilèges. Il est important de souligner que les représentants de tous les groupes concernés ont été consultés.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, cette modification n'annoncera pas la fin de l'enseignement confessionnel, catholique ou protestant, au Québec. La Loi sur l'instruction publique de cette province donne aux parents le droit de choisir un enseignement confessionnel catholique ou protestant pour leurs enfants. Ce sera aux parents de décider si l'enseignement confessionnel financé par le secteur public doit ou non être maintenu indéfiniment. Il semble cependant que le recours à la clause dérogatoire par le gouvernement du Québec pour protéger la loi en place en matière d'éducation témoigne clairement de l'accueil favorable que le gouvernement réserve aux voeux de certains parents de conserver des écoles confessionnelles protestantes ou catholiques. Nous avons toutes les raisons de croire que la question de la place qu'occupe la religion dans l'enseignement public sera débattue entièrement, ouvertement et démocratiquement et que le choix des parents continuera de prévaloir, tout comme il prévaut depuis si longtemps en dehors des villes de Montréal et de Québec.

Tout au long du débat qui s'est déroulé devant le comité mixte spécial et dans cette Chambre, nous nous sommes penchés sur le fait que l'alinéa 23(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas au Québec et à la question de savoir si la modification de l'article 93 risquait de porter préjudice aux droits des autochtones du Québec en matière d'éducation. Bien sûr, l'article 23 de la Charte, comme l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, concerne les droits à l'éducation et, d'instinct, on pourrait penser qu'ils sont étroitement liés. Toutefois, ils ne sont par interreliés constitutionnellement et, de toute façon, il semble tout à fait malvenu de ramener le consentement à une modification constitutionnelle à un simple marché où un droit sert de monnaie d'échange pour en bonifier un autre.

Nous avons aussi profité de l'occasion pour nous demander si la modification de l'article 93 pouvait jouer au détriment des droits à l'éducation des autochtones, et nous sommes convaincus que non: si les lois québécoises prévoyaient des écoles autochtones confessionnelles en 1867, l'article 93 - qui garantit uniquement les droits à l'enseignement confessionnel - n'aurait pu protéger que le caractère confessionnel de ces écoles, mais pas leur caractère autochtone.

(1840)

Honorables sénateurs, je vous incite fortement à appuyer cette résolution. Bien que nous ayons constaté qu'il y a consensus pour la modification de l'article 93, nous avons surtout tenu compte du fait suivant: que l'enjeu véritable était la qualité de l'éducation des enfants du Québec et ici, il y avait unanimité.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Robichaud me permettra une correction sur une impression qu'il a laissée et me permettra également de poser une question. Vous laissez entendre que c'est le gouvernement du Parti québécois qui aurait accepté la clause dérogatoire, qui doit prendre fin en 1999. Effectivement, c'est le gouvernement libéral au pouvoir en 1994, qui, malgré les objections du Parti québécois, a appliqué la clause dérogatoire. La question est de savoir si la décision prise par le Parti québécois en 1994 va être maintenue en 1999. À mon avis, oui, c'est l'impression que j'ai. Cependant, j'apporte cette correction parce qu'en vous écoutant, vous avez parlé du «gouvernement en place», alors que c'est le gouvernement libéral du temps qui l'a fait, malgré les objections du Parti québécois, qui formait l'opposition à cette époque.

Je vous pose la même question que j'ai posée au sénateur Grafstein, et à laquelle je n'ai pas eu de réponse. Pourquoi est-il important ou essentiel d'exempter le Québec de l'article 93, pour lui permettre d'effectuer la réforme des commissions scolaires? Quel lien y a-t-il entre les deux?

Le sénateur Robichaud: Je vais vous donner ma version des faits. Je suis d'avis que lorsque nous avons écouté les témoins qui sont venus du Québec, les représentants des commissions scolaires, les parents et les enseignants, certains d'entre eux nous ont dit que l'article 93, dans sa forme actuelle, imposait surtout dans la région de Montréal la superposition de structures. Ces témoins nous disaient que cette superposition empêchait les autorités en place d'offrir des services au maximum. On ne peut pas utiliser les structures et les ressources au maximum parce qu'il y a dédoublement, et l'on nous demande un tel amendement pour alléger ce fardeau. Ils nous ont également mentionné pourquoi ils demandaient que la résolution soit adoptée avant la fin de l'année. C'est pour que l'on commence la planification longtemps à l'avance. S'ils bénéficiaient d'un certain temps pour réaliser ces changements, ce serait bien apprécié de leur part.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne veux pas éterniser le débat, mais j'ai une autre question à poser au sénateur Robichaud. De façon à éclairer certaines questions auxquelles nous n'avons pas reçu de réponse, seriez-vous d'accord que l'on invite en comité plénier le ministre des Affaires intergouvernementales, le parrain de cette résolution? Nous aimerions obtenir de lui certaines assurances avant de nous prononcer sur cette question.

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, le ministre responsable ou le parrain de cette résolution a déjà comparu au comité mixte. Il est venu au début des audiences et à la fin, et mon honorable collègue était là pour lui poser des questions sur les sujets qui l'inquiétaient.

Si l'honorable sénateur n'a pas eu de réponse à toutes ses questions, c'est une toute autre affaire. Je ne veux pas m'engager au nom du ministre, il pourrait répondre lui-même si on lui adressait la demande de comparaître devant le comité plénier.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Simard, le débat est ajourné. )

[Traduction]

 

Régie interne, budgets et administration

Adoption du sixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités), présenté au Sénat le 4 décembre 1997.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, au nom du sénateur Rompkey, je propose que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

 

La Loi sur les télécommunications
La Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada

Projet de loi modificatif - Première lecture

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 11 décembre 1997.)

 

Projet de loi maritime du Canada

Première lecture

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 11 décembre 1997.)

 

Peuples autochtones

La Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones-Autorisation au comité d'étudier les recommandations

L'honorable Charlie Watt, conformément à l'avis donné le 8 décembre 1997, propose:

Que le comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (Document parlementaire no 2/35 - 508.) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes:

 

1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvernement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
2. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
3. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles.
Que le comité présente son rapport au plus tard le 30 novembre 1999.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 10 décembre 1997, à 13 h 30.)

 


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